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Pense-Bête
Comment garder la tête froide après la gueule de bois électorale ? — Au-delà de la vigilance anti-fasciste
Article mis en ligne le 2 juin 2014
dernière modification le 30 mai 2014

La victoire en trompe-l’œil de Marine Le Pen (avec 25% des suffrages mais cependant 1, 7 millions de voix en moins qu’à la dernière présidentielle) ne doit pas servir à masquer le phénomène majeur de cette élection européenne : l’abstention massive de 57,5 du corps électoral, sans négliger les 3% de vote blanc, 1,5% de vote nul et o,5% obtenu par le fantomatique Parti du vote blanc, soit au total 62,5 % des 45,5 millions d’inscrits (eux-mêmes en baisse d’un demi-million depuis le scrutin de 2012), autrement dit 28,5 millions de personnes non-participantes ou inexprimés volontaires.

Bien sûr, il est difficile de distinguer parmi la multitude de celles et ceux qui se sont soustraits à leur « devoir » républicain ou ont refusé de choisir le « moins pire » d’entre les candidats en lice, un message univoque. Il y a dans cette désertion hors les urnes l’expression d’humeurs éparses et fluctuantes : du j’menfoutisme à la résistance passive, en passant par d’autres motifs existentiels : le repli sur soi égoïste, l’inertie dépressive, l’indifférence aux profession de foi, le refus de cautionner qui que ce soit, le doute conspirationniste, l’objection de conscience idéaliste, le sentiment d’inutilité, l’aigreur mysanthropique, l’insouciance juvénile, l’incompréhension des enjeux, le contre-coup de la désillusion, la flemme de sortir dehors, le pied-de-nez potache, la défiance envers les gouvernants, l’irrésolution procrastinante, le doigt d’honneur au système, le fatalisme désespéré, l’oubli pur et simple, etc.

S’il serait abusif de sonder dans ce geste en creux du non-vote ou du vote neutre – tel le « je préférais de ne pas » d’un Bartleby – un refus explicite de l’ordre dominant, il est insupportable de le passer sous silence, ou pire encore, de le faire passer pour une anodine « absence d’opinion ». Quand les deux tiers des électeurs potentiels font un pas de côté (ici comme en Égypte), ce manque d’adhérence spectaculaire rappelle (une fois de plus) la crise, sinon la faillite, du rituel démocratique et de sa soi-disant représentativité. Ainsi le score du FN est-il moins un irrésistible triomphe (passant rappelons-le encore de 13% des inscrits en 2012 à 10% la semaine dernière) que l’effet de vase-communicant de l’implosion des partis de gouvernement (UMP, PS & co) des dernières décennies (...)

Mais il n’est jamais trop tard pour relever la tête et ne pas céder à la résignation commune, induite par ce double bind mortifère : soit le pragmatisme économique, soit le péril populiste. Trouver la force collective de déjouer l’alternative truquée qui voudrait désormais s’imposer à nous : se serrer la ceinture avec le FMI ou tomber sous la botte des centuries fascistes. Rien n’est perdu d’avance mais le temps presse pour court-circuiter ce chantage binaire auquel vont nous soumettre médias, démocrates de tous bords et consultants de la finance. Alors, disons que l’anti-fascisme radical c’est évidemment nécessaire mais si loin d’être suffisant. La seule issue, avant que le Front National ne négocie (en position de force) une alliance/réconciliation de toutes les droites sous sa bannière ultra-modernisée (comme en Italie il y a déjà quinze ans), ce serait, sans attendre, de briser l’isolement de chacun et la lassitude échaudée de tous, pour passer à l’offensive sur le terrain de la précarisation sociale & urbaine de nos conditions d’existence. Bref, de transformer cette ligne de fuite de la dépolitisation latente en énergie collective de défiance active envers les puissants. (...)

Ceci dit, l’urgence qu’il y a à lutter contre la violence quotidienne de « l’Austérité perpétuelle », si elle va bien au-delà du simple devoir de vigilance anti-fasciste, ne signifie pas qu’il faudrait sous-estimer l’emprise mentale de Marine Le Pen (et de ses jeunes technocrates new-look) sur les débats de société, relayée avec zèle par les médias avides de sensations fortes ou par les néo-conservateurs de toutes obédiences partisanes qui monopolisent désormais les bancs de l’Hémicycle. (...)