Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Le Monde Diplomatique
Cisjordanie, de la colonisation à l’annexion
La droite israélienne enhardie par la nouvelle administration américaine
Article mis en ligne le 8 avril 2017

En quelques jours, le premier ministre israélien a annoncé la mise en chantier de plus de trois mille nouveaux logements à Jérusalem-Est et en Cisjordanie — plus que durant toute l’année 2016. Cette surenchère n’empêche pas M. Benyamin Netanyahou d’être débordé sur sa droite par son concurrent Naftali Bennett, qui se prononce pour l’annexion des territoires palestiniens occupés.

« La seule chose prévisible chez [Donald] Trump, c’est qu’il sera imprévisible (1). » Globalement pertinente, cette réflexion de Noam Chomsky l’est moins s’agissant du Proche-Orient. Trois prises de position du candidat républicain balisent sa politique présidentielle face au conflit israélo-palestinien : l’engagement de transférer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem (2) ; le refus de considérer la colonisation des territoires occupés depuis 1967 comme un obstacle au processus de paix ; la décision de ne plus faire pression sur le gouvernement israélien afin qu’il négocie. Deux nominations apparaissent au moins aussi significatives : celle du gendre du président, M. Jared Kushner, qui soutient financièrement les colons, à la fonction de « haut conseiller à la Maison Blanche » ; et celle, au poste d’ambassadeur en Israël, de M. David Friedman, qui préside les Amis de Bet El, une vieille implantation juive de Cisjordanie. Le diplomate improvisé a aussitôt exprimé sa « hâte » de travailler « depuis l’ambassade américaine dans la capitale éternelle d’Israël ».

Les « avant-postes » légalisés ?

Coïncidence ? L’arrivée de cette nouvelle administration se produit alors que l’extrême droite israélienne milite pour un tournant historique de la politique palestinienne de Tel-Aviv : l’annexion de la Cisjordanie. (...)

Le 5 décembre 2016, M. Bennett est passé aux actes : il a fait voter en première lecture par la Knesset un texte légalisant quatre mille logements dans des « avant-postes », ces colonies que même le droit israélien considérait jusqu’ici comme illégales, car construites sur des terrains palestiniens privés expropriés. C’est une violation flagrante de la 4e convention de Genève et des résolutions des Nations unies. Pour que ce texte entre en vigueur, il lui faudra toutefois trois nouvelles lectures, puis la validation de la Cour suprême.

« C’est la loi la plus dangereuse édictée par Israël depuis 1967 », affirmait peu après le vote M. Walid Assaf, ministre palestinien chargé des colonies. Le procureur général d’Israël, M. Avichaï Mandelblit, s’opposait à ce texte contraire à la jurisprudence de la Cour suprême, et le chef de l’opposition travailliste Isaac Herzog l’assimilait à un « suicide national ». De même, deux cents anciens responsables se présentant comme les « commandants pour la sécurité d’Israël » dénonçaient dans le projet d’annexion la fin du caractère « juif et démocratique » de l’État. Ces réactions n’ont pas empêché M. Bennett de promettre pour fin janvier une nouvelle loi consacrant l’annexion de Maale Adoumim, l’un des trois principaux blocs de colonies israéliennes, à l’est de Jérusalem. Pour l’Autorité palestinienne, ce tournant équivaut à un arrêt de mort : l’annexion de la Cisjordanie lui laisserait peu à gérer, et encore moins à négocier. (...)

l’isolement croissant de Tel-Aviv inquiète l’Institut d’études de la sécurité nationale (INSS). Il écrit dans son rapport annuel, qui fait autorité : « L’image d’Israël dans les pays occidentaux continue à décliner ; une tendance qui accroît la capacité de groupes hostiles à mener des actions pour le priver de légitimité morale et politique et lancer des opérations de boycott (5). » Si l’extrême droite n’en a cure, c’est qu’elle s’appuie, outre sur la nouvelle administration américaine, sur une opinion israélienne radicalisée. L’état de guerre permanent — renforcé ces derniers mois par l’« Intifada des couteaux » —, l’intensité de la manipulation médiatique, mais aussi, et sans doute surtout, l’absence de toute solution de rechange politique : autant de facteurs qui expliquent le ralliement de la majorité des Juifs israéliens aux thèses extrémistes. (...)

Une fois n’est pas coutume, un autre signal, politique celui-là, est venu de la Commission européenne, d’ordinaire si complaisante vis-à-vis de Tel-Aviv. Tout en se déclarant opposée au boycott d’Israël, la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini, affirme : « L’Union défend la liberté d’expression et d’association, conformément à sa charte des droits fondamentaux, qui s’applique aux États membres, y compris en ce qui concerne les actions BDS. » Et de commenter : « La liberté d’expression, comme l’a souligné la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, est également applicable aux informations et aux idées qui offensent, choquent ou perturbent un État ou une partie de la population (9). »

Sous la conduite de MM. François Hollande et Manuel Valls, les autorités françaises ont, à l’inverse, obtenu des poursuites judiciaires et de lourdes amendes contre les activistes de la campagne BDS. Les actions de ces derniers ont été absurdement présentées comme une « incitation à la haine raciale », alors qu’ils militent pour la fin de la colonisation et l’égalité des droits. Un objectif qu’ils partagent avec… les Nations unies.