
Avec la globalisation financière, des masses énormes de capitaux plus ou moins blanchis sont à la recherche d’une forte rentabilité, d’une faible taxation et du secret bancaire. Beaucoup de pays se sont donc trouvé une nouvelle vocation : devenir un paradis fiscal, bancaire et réglementaire.
C’est le cas surtout de petit pays qui cherchent à attirer les capitaux des riches des pays voisins, et qui ne répugnent pas à recevoir l’argent que les dictateurs sud-américains ou africains ont volé à leur peuple : le Lichtenstein, les îles anglo-normandes, le Luxembourg, la Suisse, mais aussi l’Irlande et les Pays-Bas, qui permettent aux firmes multinationales d’échapper à la réglementation de leur pays. Les milieux dirigeants des grands pays l’acceptent ; cela fait partie d’une sorte d’accord avec les plus riches et les grandes entreprises que de leur laisser cette possibilité. L’Europe aurait pu décider d’interdire à ses banques et à ses entreprises d’avoir des filiales et de déclarer des transferts de bénéfices et de redevances dans les paradis fiscaux. Elle ne l’a pas fait.
Chypre se rêvait, elle aussi, en paradis fiscal. Elle avait sa clientèle toute trouvée : les capitaux russes, issus du pillage qui a suivi la chute de l’URSS. Là aussi, les milieux dirigeants russes acceptaient que Chypre blanchisse et sécurise des masses énormes de capitaux. Malheureusement, les banquiers chypriotes n’ont pas eu de chance ou n’ont pas été habiles : ils ont perdu une grande partie des sommes qu’ils géraient en raison de la banqueroute de l’Etat grec, des difficultés des entreprises grecques, de la crise immobilière à Chypre elle-même.
Face à un tout petit pays, l’Europe a pu se montrer rigoureuse. Ce sont les actionnaires, les créanciers, les gros déposants, qui devront payer les pots cassés. Pas les citoyens européens. Dommage que la même règle ne se soit pas appliquée aux banques irlandaises, espagnoles, britanniques ou pour Dexia. Il est plus facile de mettre en cause le système financier de Chypre, que celui de la City. Mais l’Europe ne tire pas les leçons de cette nouvelle crise. Elle ne prend pas des mesures fortes contre les autres paradis européens ou exotiques. (...)
Il faut aider chaque pays à réduire fortement le poids de la finance ; à repenser son modèle productif pour préparer la transition écologique ; à axer son développement sur la satisfaction des besoins fondamentaux de sa population.