
La caravane est sur le retour vers Paris avec un bilan mitigé ; une chose est sure ; ce que les sans papiers ont fait sans le soutien des grandes organisations, personne ne pourra leur enlever.
Ils ont réussi parce qu’ils ont osé !
(...) De même que l’Homme africain n’était pas entré dans l’histoire selon Mr Sarkosy, nous n’étions pas réellement entrés dans la problématique des organisateurs du Forum. Dans ces conditions, nous ne fûmes pas étonnés d’apprendre que la majorité des gens n’étaient pas au courant de notre odyssée ; des bruits avaient courus, ils en avaient vaguement entendu parler... chacun interprétant ces bribes d’information selon ses propres lunettes politiques ! Mais sans pour autant se poser la seule question censée dans une situation pareille : moi, nous, on fait quoi pour changer la donne et poser concrétement la « liberté de circuler » comme un fait vécu et non plus comme une hypothétique revendication ?
Les sans papiers ont donné l’occasion aux participants du forum de s’inscrire dans cette dynamique ; c’est ce que les collectifs sans papiers ont expliqué à la tribune ce matin-là, par la voix de Sissoko, leur porte parole ; il a été applaudi et entendu mais a t’il été réellement compris ? La réponse ne s’est malheureusement pas fait attendre ; les camarades algériens ont été empêchés de passer la frontière et le soir même, un rassemblement devant le consulat d’Algérie, réclamait la liberté de circuler en particulier pour les algériens dans le Maghreb. En étant gentil et en comptant les policiers tunisiens, une centaine de participants... sur un forum de 40 à 50 000 participants on peut s’interroger sur les finalités réelles des grand’messes alter mondialistes !
CHRONIQUES DE CARAVANE-3 Vendredi 29 mars :
C’est avec toutes ces interrogations que nous avons abordé cette matinée du 28 ; Côté « jardin » ; le petit bout de table que nous avions récupéré la veille s’est étoffé et nous avons établi deux points de présence où les discussions et mises au point sur notre présence ont pu avoir lieu ; cela nous a permis également de vendre les T-shirts des collectifs se rapportant à l’événement car ces voyages ont un coût qu’il faut assumer...
Il convient de s’arrêter un instant sur cet aspect financier. Les collectifs avaient prévu les dépenses liées à leur participation au forum et une bonne partie avaient été couvertes par des subventions du CCFD et d’Emmaüs international. La vente des T-shirts et divers dons pouvaient couvrir les frais restants.
Le retour des sans papiers et le sur-coût de l’avion n’avait pas été prévu et a sérieusement déséquilibré le budget ; il va falloir assurer et une source de rentrée peut être la diffusion des T-shirts à travers les réseaux de province... Ceci pourrait être mis en place à notre retour... s’il y a du répondant !
Côté « cour » ; l’après-midi, Sissoko a de nouveau enfoncé le clou, exprimant la fierté que nous ressentions à l’égard du courage de nos camarades sans papiers qui avaient bravé l’Empire et étaient revenus ; il a exprimé le souhait que ce précédent ne reste pas isolé mais fasse des petits jusqu’à la reconnaissance de la liberté de circulation et d’installation comme liberté fondamentale juridiquement contraignante pour les états. (...)
comment peut on décemment parler de convergence quand, dans le même temps, manifestent des mouvements aussi internationalistes que celui des sans papiers en Europe ou des réfugiés du camp de Choucha et des nationalismes arabes ou autres ; les uns veulent supprimer les frontières, les autres en rajouter ! Cette ambiguïté constante a été le trait dominant de ce forum et en a mis plus d’un mal à l’aise. Je ne l’avais pas ressenti de la même façon à Dakar où ce sentiment était en filigrane non comme une constante mais plutôt comme une réalité évolutive.
Ce FSM aurait donc pu être un acte manqué laissant regrets et amertune s’il n’y avait eu ce fait historique sans précédent dans l’histoire moderne ; des sans papiers, dans la plus grande transparence, avaient défié l’Empire en quittant l’ « Europe forteresse » et en y retournant ; en créant ce précédent, ils ont entrouvert une porte et nul ne pourra leur enlever ce mérite ; cette porte, il reste à l’ouvrir entièrement maintenant que le premier pas a été fait ; c’est cette réalité que nous portions au FSM et malgré notre faible nombre, nous avons forcé l’audience et largement porté le message.
A t’il été reçu, seul l’avenir nous le dira mais je suis convaincu que ce qui a été réalisé a donné une nouvelle dimension aux collectifs sans papiers ; comme la marche européenne l’avait laissé présager, ils s’inscrivent désormais dans une stratégie internationale et dépassent la simple perspective de régularisation ponctuelle pour ressentir le monde comme un grand village de 7 milliards d’habitants.
Leurs frontières sont nos prisons ;
Liberté de circuler et de s’installer !