
Dans un « naguère » qui paraît tellement d’autrefois, on parlait, au temps de la guerre civile libanaise, des « islamo-progressistes », une expression, sans nul doute assez étrange, qui servait à définir les alliances compliquées du moment. Très éloignée en tout cas des clivages sur lesquels s’appuient les mobilisations d’aujourd’hui, et les haines de demain. A présent, la “mode”, si on ose le terme pour évoquer la situation en Syrie par exemple mais pas seulement, est au conflit irréductible entre chiites et sunnites. On ne reviendra pas ici sur les ressorts géopolitiques de cette thématique – cet article du Monde le fait très bien. En revanche, la mise en en place, patiente et méthodique, de cette « fabrique de la haine » mérite quelques commentaires.
A écouter nombre de personnalités politiques de premier plan, Sadok Chourou notamment, élu du parti Ennahdha, il est clair que l’expansion du chiisme est aujourd’hui une vraie menace pour la Tunisie sunnite (entretien traduit en anglais, original en arabe ici). La moindre requête « chiites Tunisie » sur le moteur de recherche de votre choix vous donnera une idée de la violence des débats. (...)
Si on quitte la Tunisie − dans les affres d’une transition difficile malgré toute la sollicitude de quelques riches Etats (dirigés par des sunnites) du Golfe − pour élargir la perspective à la fois temporellement et géographiquement, on s’aperçoit rapidement que la scène culturelle régionale est depuis plusieurs années déjà travaillée par le débat entre sunnisme et chiisme. La télévision, opium des peuples (arabes compris), est en première ligne, à travers les feuilletons de ramadan du type Omar dont il a été question ici), mais on trouve des exemples plus anciens. (...)
Les exemples de « feuilletons historiques à histoires » abondent (voir dans l’encadré Catégories en haut à droite l’onglet « image »), avec notamment le très contesté Hassan, Hussein et Moawiyya, mais la polémique a pu aussi gagner le domaine des émissions dites « théologiques » (...)
A tout cela, il faut bien entendu ajouter les innombrables talk-shows sur « le danger de l’enchiitisation » (خطر التشيع, vilain néologisme qui traduit au plus près le terme arabe pour lequel je suggère aux arabisants de lancer l’instructive requête sur internet), un thème « bien » présent dans la programmation du dernier ramadan égyptien à en croire cet article (en arabe) dans Al-Quds al-’arabi…
Autant d’exemples tirés d’un passé très récent (les 6 dernières années de ce blog, c’est presque un anniversaire), qui permettent de constater que le « problème entre chiites et sunnites » est tout sauf le fruit du hasard. (...)