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Vacarme
Chers Électeurs
Article mis en ligne le 7 mai 2017

Quelle tribune démocratique inventer pour faire face à celle de Marine Le Pen (MLP) ? Plutôt que de seulement condamner moralement ou encore de déconstruire à l’infini, en argumentation, cette éloquence dite populiste de MLP, l’urgence est de penser la réplique oratoire, la réinvention de la parole politique à des fins de résistance et de combat.

Aurait-on la tribune qu’on mérite ?
Oui et non.

Oui, car toute éloquence est adressée et toute tribune construit un auditoire, ce qui signifie très concrètement, dans le cas du débat du mercredi 3 mai, comme Trump, mais tout aussi bien comme Cicéron, comme Lamartine, comme Jaurès, comme tant d’autres, comme tous les orateurs qui, en histoire antique, en histoire moderne, on été de grands orateurs, de grands orateurs populaires, ou de grands orateurs spécialisés, indépendamment de la couleur politique, des projets politiques défendus,– en choisissant de parler comme elle l’a fait, d’attaquer comme elle l’a fait – MLP a tenté de construire un auditoire spécifique : ou du moins, MLP a tenté de construire le pays des « Chers électeurs » comme un auditoire spécifique. La question est de savoir maintenant si cet auditoire spécifique va se révéler opératoire dans sa conquête de pouvoir ou pas.
C’est donc un immense contre-sens que de trouver que MLP a été mauvaise comme on a pu le lire : elle a été mauvaise, épouvantable, atroce, terrifiante, castratrice, mensongère pour les lecteurs de cette presse là, mais elle n’en pas moins fait preuve d’un art oratoire redoutable, efficace pour tous ceux que nous pouvons supposer ne pas être « nous », nous qui sommes les lecteurs de cette presse-là, les « Chers électeurs » pour lesquels l’éthique de la parole publique a un sens indépendamment des instruments oratoires utilisés pour gagner la campagne : dans ce sens-là, en s’ajustant comme MLP à ce qu’il y a de plus véhément et vitupératif en chacun des « Chers Électeurs » – le désir de combattre coûte que coûte, le désir de gagner, d’abattre son adversaire indépendamment de la recherche de la vérité et de toute éthique – ce qui s’est passé, c’est qu’un auditoire dit populaire ou populiste a été construit contre la démocratie comme système symbolique usant, certes, de la parole comme arme mais pas à n’importe quel prix. En ce sens, on peut donc dire que, si, hier soir, MLP s’est révélée une oratrice redoutable, elle s’est révélée telle quelle au détriment des « Chers Électeurs », au détriment de tous ceux qui étaient visés par sa tribune. Non, on n’a pas la tribune qu’on mérite, donc.

Ce débat a été épouvantable et passionnant à la fois car il questionne les fondements philosophiques de l’art oratoire. Tous les moyens sont-ils bons pour gagner au moyen de la parole ? (...)