
Charlie Hebdo, journal qui a abrité pendant plus de quinze ans les inénarrables éditos de Philippe Val mêlant – entre autres ! – défense d’Israël comme base avancée de la Pensée Occidentale Eclairée en Terres Obscurantistes et assimilation au nazisme de tout argument lui étant opposé, a sorti en avril-mai 2011 un hors-série dédié au féminisme, sous le titre « Le féminisme est l’avenir de l’homme ».Philippe Val ayant quitté en 2009 la direction de l’hebdomadaire et fait des déclarations ayant le mérite de la clarté en arrivant à Radio France, il ne semblait pas totalement impossible que, débarrassé de son éditocrate self-righteous [1] et quelque peu dessillé sur les convictions politiques de ce dernier, le reste de l’équipe fasse sensiblement évoluer la ligne éditoriale pour la sortir de l’ornière de droitisation manifeste que lui avait valu cette longue hégémonie valienne. C’est en tout cas avec une infime lueur d’espoir que j’ai lu ce hors-série, un espoir sans doute risible que cet hebdomadaire cesse enfin d’être l’un des étendards fièrement arborés d’un racisme qui se croit vertueux dans ses habits de gauche.
(...) Le hors-série est essentiellement composé d’entretiens avec (à l’exception de Fabrice Virgili, seul homme interviewé) des femmes de différents horizons : militantes issues d’associations et collectifs féministes ou se définissant comme tels, chercheuses, journalistes, artistes… Il est à noter que les deux tiers des contributions sont françaises et parmi celles-ci, pas une seule n’émane d’une femme racisée. Les seules ayant voix au chapitre sur la question du féminisme et de ses avancées en France sont blanches. Cela peut paraître sans importance mais on verra qu’il n’en est rien. (...)
Il y aurait beaucoup à dire sur la sélection qui a été faite et les personnes qui ont été choisies pour s’exprimer sur le sujet. C’est sans surprise que l’on retrouve Caroline Fourest, grande habituée des pages du journal – même si ses contributions sont moins fréquentes depuis le départ de Val – ainsi que d’autres, proches du PS, telle que Caroline de Haas. On a eu récemment l’occasion de lire un certain nombre de contributions de féministes importantes au moment de l’affaire DSK, contributions d’ailleurs rassemblées depuis par Christine Delphy dans le recueil Un troussage de domestique. Est-il bien utile de préciser que pas une d’entre elles ne fait partie du panel choisi par Charlie pour (re)présenter le féminisme en France ? On verra plus loin que, Christine Delphy étant visiblement une sorte d’Antéchrist du féminisme pour le rédacteur en chef du journal, ce choix est finalement très cohérent. Et assure que les sujets qui fâchent ne seront pas traités, ou alors seulement selon l’angle défendu par le journal. (...)
L’édito se termine sur un paragraphe que l’on voudrait applaudir des deux mains : « Autrement dit, à l’heure où l’on ne cesse de déplorer la perte d’idéaux porteurs de lendemains qui ne chantent pas trop faux, le féminisme, loin d’être un combat dépassé, pourrait être un beau programme pour l’avenir. »
Le problème, comme avec tout programme politique, est qu’avant d’y adhérer, on doit en connaître le contenu. Et celui du « féminisme » à la Charlie Hebdo, s’avère des plus problématiques…