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le Monde Diplomatique
Champ du possible, chants des possibles
Article mis en ligne le 2 février 2012
dernière modification le 30 janvier 2012

Dans les années 1980, les conservateurs anglo-saxons avaient énoncé le fameux There is no alternative (TINA, « il n’y a pas de solution de rechange »). Pas plus qu’à la pesanteur, on ne saurait se soustraire aux « lois » économiques qui « démontrent » qu’un marché libre est l’organisation optimale.

L’idée de lois de la nature s’est affirmée lors de la refondation de la mécanique au début du XVIIe siècle. Selon Aristote, les régularités naturelles admettaient erreurs et transgressions, tout comme les lois juridiques. Mais, en extrapolant quelques expériences, Galilée a affirmé qu’on ne pourrait jamais construire une machine violant la loi de conservation de l’impeto (le produit de la masse par la vitesse). Les lois de la nature deviennent alors « ce qui se situe au-delà de la volonté humaine ». Ce dont on ne tarderait pas à tirer des conséquences politiques. Il n’est donc pas sans intérêt d’explorer les frontières entre possible et impossible. Deux ouvrages récents s’y attellent, de manière très différente. (...)

Dans La Physique de l’impossible, Michio Kaku (1) s’amuse à examiner les exploits des héros de science-fiction à la lumière de la physique moderne : traversée de murs, invisibilité ou télétransportation... (...)

le livre est un bel exemple de vulgarisation quelque peu grossière, ignorant les apports de l’histoire des sciences ou les questionnements sociaux face aux nanotechnologies. L’auteur empile des platitudes dès qu’il se risque hors de sa discipline fétiche — la mécanique quantique —, accumule des citations sans réflexion personnelle, et exécute le tout dans un style télégraphique indigeste. (...)


L’étude historique proposée par Frédérique Aït-Touati
(3) est bien plus riche. Au XVIIe siècle, la communauté scientifique bouleversa les représentations du cosmos, pour aboutir à l’idée d’une Terre errant dans un univers infini. La rotation de notre planète, longtemps tenue pour impossible, représente dès lors un élément central des explications astronomiques et mécaniques. La Lune, autrefois considérée comme un astre parfait, devient semblable à la Terre. Et, alors que pour Ptolémée l’univers était une succession d’orbes infranchissables, l’espace copernicien permet le libre mouvement des astres dans le vide sidéral. L’évidence des sens et l’image millénaire du cosmos ne pouvaient que s’opposer à ces découvertes : convaincre leurs contemporains ne pouvait qu’être quasi… impossible pour les savants, d’autant que l’observation à la lunette astronomique était réservée à quelques privilégiés et que son interprétation était rendue difficile par la mauvaise qualité des optiques. Dans ce contexte, c’est la fiction qui permit de dépasser les limitations du réel observable.
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Grâce à ces descriptions fictives, le nouveau cosmos prenait chair dans l’imaginaire collectif. Au XVIIe siècle, fiction et recherche avançaient ainsi de concert pour remettre en question ce qui apparaissait jusqu’alors comme la vérité.
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 Michio Kaku, La Physique de l’impossible, Seuil, coll. « Science ouverte », Paris, 2011, 280 pages, 22 euros.

 Frédérique Aït-Touati, Contes de la Lune. Essai sur la fiction et la science modernes, Gallimard, coll. « NRF Essais », Paris, 2011, 206 pages, 17,30 euros

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