
Marjane Satrapi ne serait pas appropriée pour les élèves et son ouvrage Persepolis, récit autobiographique d’une jeune femme ayant grandi après la révolution culturelle en Iran, poserait de douloureux problèmes. Adapté en 2007 pour le cinéma, le roman graphique alimente, depuis mi-janvier, la polémique, dans le district scolaire de Norhtshore, à Chicago.
(...) Pour les parents d’élèves, le livre comme le film présentent une société violente, avec un contexte inapproprié pour les élèves. Dave Starck devenu représentant de ces contestataires, ces oeuvres ne seraient pas tolérables à la télévision ou à la radio. Il évoque ainsi une page où un homme s’apprête à uriner sur un homme qui vient d’être torturé. « Le livre est tout simplement sexuellement très connoté et particulièrement agressif », expliquait-il en janvier dernier.
Avec une trentaine d’autres parents, ils ont saisi les autorités scolaires et demandé un examen, le 12 janvier dernier, pour s’assurer que ni le film ni le roman graphique ne serviraient de support pédagogique pour leur progéniture.
En outre, les parents sont déconfits d’avoir découvert par eux-mêmes ce qui servait de support de cours à leurs enfants - et ce, sans aucun avertissement. Susan Stoktzfus, directrice des communications pour le district assure que pourtant, tous les processus de sélection ont été respectés, pour obtenir l’approbation des autorités, avant que le livre ne soit présenté aux élèves. Des formulaires d’autorisation ont été envoyés aux parents, avant même que les élèves ne puissent visionner le film dans le cadre scolaire. (...)
Le film avait été interdit au Liban, et bien qu’insupportable, on comprend mieux, à la lecture politique du pays, cette décision. Pour autant, l’idée que l’on censure Persepolis dans les écoles américaines semble difficile à concevoir. Surtout que ce n’est pas une première : en 2009, le même regroupement de parents avait saisi la commission scolaire, pour obtenir la censure non seulement du roman graphique, mais également du film. Leur demande avait alors été rejetée et le conseil scolaire affirmait que l’on pouvait recourir à ces oeuvres dans le cadre pédagogique.
Reste qu’aujourd’hui, rapporte Reuters, les parents ont fait une descente dans l’établissement, pour s’assurer que l’école ne prêtait aucune version du roman graphique, et faire en sorte que tous les exemplaires avaient bien été retirés de la bibliothèque. (...)
Le livre de Satrapi a tout autant une valeur autobiographique qu’une approche journalistique.
Persepolis avait attiré les foudres de certains bien-pensants, en février 2008, en ce que ce film — fabuleux au demeurant — dresse un portrait critique de la révolution islamique, selon une communauté de bloggeurs, en Iran. Au cours d’une projection privée qui eut lieu au Centre Culturel, dans une salle intime de Téhéran, Mahmoud Babareza, son directeur a souhaité « mettre un terme au délire qui s’est emparé des médias. Quand un film n’est pas vu par le public, des idées préconçues et fausses jaillissent : mais le cinéma n’est que du cinéma après tout, il ne doit pas être constamment placé dans un contexte politique. » (...)
Depuis sa première publication en 2003, aux États-Unis - originellement publié à l’Association, en 2000 pour la France - le roman graphique a été interdit en Iran, en Tunisie, et au Liban.
De leur côté, les étudiants de Chicago ont donné de la voix et décidé de contester cette censure qui ne s’assume pas. Une centaine d’élèves a manifesté pour dénoncer ces procédés d’un autre temps. Barbara Jones, de l’American Library Association, n’en revient pas : « Ce roman graphique reflète la société totalitaire, c’est le principal sujet de ce livre, qui parle également de la révolution iranienne. »