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Orient XXI
Ce village libanais de 5 000 habitants qui accueille 5 000 réfugiés syriens
Article mis en ligne le 14 janvier 2015
dernière modification le 12 janvier 2015

Le Liban ploie sous les réfugiés syriens. Depuis le 5 janvier, pour la première fois depuis l’indépendance des deux pays, ils doivent obtenir un visa. Sur le terrain, on tente de s’adapter dans l’urgence, avec plus ou moins de succès, en laissant pour le moment de côté les défis « existentiels » pour l’avenir du Liban, selon les mots de l’ancien président Michel Sleimane.

Les réfugiés syriens1, le maire de Qaraoun, dans le sud de la Bekaa libanaise a décidé de s’en occuper. Avec toute sa rigueur d’ingénieur en bâtiment et de chef d’entreprise. Yehia Daher, un quadragénaire énergique en blouson de cuir, à la barbe courte, fait visiter son dispositif avec fierté : chaque réfugié est enregistré sur ordinateur et suivi quasi quotidiennement. Sans aucune aide du gouvernement. « On fait tout tous seuls. L’État ne nous aide pas. » Au Liban, État défaillant, les élus locaux et la société civile ont appris depuis longtemps à se débrouiller. L’exemple de Qaraoun, petite ville de 5 000 habitants de la plaine de la Bekaa, trois quarts de sunnites et un quart de chrétiens, illustre à lui seul les forces, les faiblesses et les ambiguïtés d’un pays confronté à un défi extraordinaire : comment accueillir, nourrir, et — non moins important à ses yeux — contrôler plus d’un million et demi de réfugiés, pour une population de quatre millions de Libanais ?
"On sait exactement où ils sont"

Le principal poste frontière avec la Syrie, Masnaa, est à trente kilomètres. Les réfugiés syriens ont commencé à affluer en 2012, comme vers tous les villages de la plaine de la Bekaa, vaste plateau fertile à neuf cents mètres d’altitude entre les monts du Liban et de l’Anti-Liban. Le maire a fait ses calculs : « Nous sommes 11 000, mais seulement 5 000 à l’année. Les autres vivent au Canada ou en Amérique du Sud et reviennent en été. J’ai décidé d’héberger 5 000 réfugiés, au-delà ce ne serait pas vivable ». Qaraoun vit de l’agriculture et de l’argent de sa diaspora, propriétaire des résidences secondaires cossues surplombant un lac au fond de la vallée.

« Les 5 000 Syriens, on sait exactement où ils sont », assure le maire, qui emmène le visiteur vers sa salle opérationnelle : le QG des scouts islamiques, qui gèrent la logistique. Une quarantaine de sièges attendent les Syriens, qui viennent s’y installer tous les samedis pour les formalités administratives et la réception des aides. Ces jours-là, la totalité des scouts islamiques est mobilisée. Le responsable, Ibrahim, 24 ans, grand jeune homme barbu, cadre des scouts et étudiant en comptabilité, allume l’un des deux ordinateurs. Une série d’informations s’affiche à côté de chaque personne et de chaque famille : noms, âges, localisation précise — nombre d’entre eux sont locataires comme la grande majorité des réfugiés. Une partie vit dans des camps : « Si quelqu’un veut changer de lieu, il doit nous le dire ». Sur chaque fiche figurent aussi le numéro de téléphone portable s’ils en ont un, les maladies éventuelles et les aides reçues : couvertures, poêles, aliments...

Les aides sont stockées dans un hangar tout proche. Elles proviennent des dons d’une quinzaine d’ONG et de services de coopérations étrangers ou locaux. Sur un tableau, les logos de l’ONG britannique Oxfam ou de l’Usaid du gouvernement américain voisinent avec ceux de l’Islamic Relief, ONG musulmane internationale, et d’organisations locales comme le Dar el-Fatwa, la plus haute instance religieuse sunnite du Liban, ou Salam, spécialisée dans les soins médicaux. L’ONU est également présente avec le HCR, Haut commissariat aux réfugiés et le PAM, le Programme alimentaire mondial. « Et en cas d’urgence, je sais qui sont les gens généreux parmi mes administrés », dit Yehia Daher.

Les deux camps principaux comptent chacun une soixantaine de tentes. (...)