
Horizon et éloignement à perte de vue. Cadre dit naturel. Regard enfin dégagé, les îles bien connues des touristes, ou sinon, la montagne du pays dit “d’en haut”. Notre liberté en somme toute relative, se traduirait parfois par la capacité à prendre de la hauteur, en se délivrant, si ce n’est qu’exceptionnellement du “répétitisme” premier de la “gouvernance” actuelle. Et cet autre pays montagneux semble ainsi se maintenir coûte que coûte, entre (ses rarissimes) enclaves... touristiques, et ses multiples diagonales du vide qui se croisent. Athènes, c’est bien loin !
En plaine, par exemple pour la ville de Trikala (Thessalie de l’Ouest, à 340 kilomètres d’Athènes en allant vers le Nord), son “grand marché hebdomadaire” qui se tient chaque du lundi, restera encore pour longtemps une authentique institution sociale. Légumes, fruits, producteurs locaux, et aussi, cette grande affluence aux terrasses des cafés saturées. On aurait pu dire que la crise n’y est plus. Les bien rares (et chanceux) touristes qui s’y aventurent se posent d’ailleurs très naturellement cette question.
Sauf que de plus près, les réalités audibles et perceptibles y sont moins rassurantes. Lefki, originaire du village rencontrée en ville, exprime alors volontiers toute l’histoire de “l’exil nécessaire” que connaît son fils ainé : “Stéphanos vit en Allemagne depuis deux ans. Il a trouvé du travail dans sa branche, l’informatique et en plus, il est... régulièrement et normalement payé. Pas comme ici. En Grèce, il n’y a plus rien à faire pour les jeunes, Yórgos, mon autre fils rejoindra l’ainé, ou sinon, il partira aux États-Unis, un cousin éloigné s’y est installé déjà depuis 2010. Cela peut toujours nous être utile.”
Lefki n’a certainement pas besoin d’en rajouter. L’actuel “répétitisme” grec du régime de la Troïka (élargie), a d’abord et d’emblée concerné les rescapés du salariat... devenu quasi-inexistant et cela sous de différents prismes. Ainsi, près d’un million de travailleurs du secteur privé en Grèce, ne perçoivent plus de salaire, ou sinon, ils sont payés de manière partielle et largement intermittente. Car les “retards” pratiqués de manière désormais généralisée par employeurs ne respectant plus les délais relatifs au versement des salaires peuvent être bien longs, allant de trois à dix-huit mois. Les patrons donc en rajoutent, “crise oblige”, et depuis un moment déjà, une certaine “Justice”... les accompagne à sa manière. (...)
L’évolution grecque sous le régime d’exception (devenue la nouvelle règle) de la Troïka (comme des patrons du coin) est depuis 2010 fort saisissante. Ce qui semble être encore réglementaire et admissible ailleurs en Europe, par exemple en France, les mesures notamment relatives à la protection du salarié, tout cela appartient déjà aux yeux des Grecs, à une... autre civilisation :
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Paroxysme donc, car Athéna âgée de 42 ans, employée aux enseignes Karipidis à Giannitsa (agglomération du nord de la Grèce), vient de se suicider (11 juillet 2017, et la presse grecque a pour une fois très largement évoqué son suicide) . Athéna a même laissé un ultime message, rédigé à l’attention de son frère, avant de s’ouvrir les veines, enfermée dans la salle de bain du domicile familial. Leur père, petit fabriquant, équipementier en métallurgie, s’était suicidé au début de la crise par pendaison, dans les locaux de son entreprise en faillite.
Athéna, ne supportait plus d’être prise en otage (ni payée, ni licenciée). Elle n’était pas rémunérée pour son travail depuis quinze mois. Plus de 170 plaintes ont été déposées par les salariés de l’enseigne, plaintes motivées par le non-paiement des salaires, sans résultat. Cadre... naturel de la dite “crise grecque”. Regard finalement dégagé... mais autrement.
Le cas d’Athéna, devenue définitivement et... pour tout dire (employée) pleinement invisible, demeurera manifestement ignoré des visiteurs du pays. (...)
Dans le même état d’esprit... circulaire, les autoroutes grecques restent le plus souvent vides (même en plein été), et les routes des montagnes (goudronnées) désertes. Enfin, les habitations des villages, y compris en plaine (bourgs situés à peine quelques kilomètres seulement de Trikala, ville chef-lieu de l’ex-département homonyme), sont bien souvent inoccupées, car les habitants ont récemment émigré, le plus souvent en Allemagne. (...)
Dimanche 16 juillet, et à Athènes comme à Thessalonique, de nombreux employés et citoyens ont manifesté tout leur écœurement face à l’ouverture des commerces chaque dimanche. Une exigence économique et... culturelle de la Troïka (et particulièrement du FMI), que le “gouvernement” Tsipras vient d’adopter, comme d’ailleurs tout le reste. (...)
dans l’hôpital public de la région... on récupère alors les malades comme on peut. Histoires présumées parallèles.
Notons que dans cet hôpital, il n’y a parfois qu’un seul biologiste pour pratiquer les analyses, et les patients, (sauf alors grande urgence) peuvent ainsi attendre près de six heures en ambulatoire (restant assis). Et comme en plus le service de neurologie est fermé, c’est à partir d’une liste qui circule (allégrement et officiellement), que les patients doivent choisir “leur” neurologue exerçant en secteur privé. Il s’y déplacera... et il facturera ses consultations, évidemment au prix fort non remboursé. D’autres patients seront priés de se rendre à un autre hôpital public, à plusieurs dizaines de kilomètres de la ville pour à peu près la même raison. (...)