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France Culture
CETA : les députés savent-ils ce qu’ils vont voter ?
Article mis en ligne le 23 juillet 2019

Le CETA n’est pas un accord de libre-échange comme les précédents. Évolutif, il crée un tribunal spécial et prévoit une coopération réglementaire. Deux premières qui pour ses partisans comportent toutes les garanties, et pour ses détracteurs ouvrent la boîte de Pandore.

Il y aura un avant et un après CETA, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Pas seulement pour les droits d’exportations (réduits à 0 pour 98% des produits échangés entre les deux zones), pas seulement pour les quotas d’importations (qui sont notamment étendus à 67 500 tonnes sans droits de douane par an pour le bœuf), pas seulement pour la reconnaissance au Canada de 143 produits d’origine géographique protégée (dont 42 françaises), etc.

Ce qu’il faut retenir dans CETA, c’est le C : comprehensive, ou global. CETA = Comprehensive economic and trade agreement, ou en bon français : AECG, Accord Economique et Commercial Global. Ici, le lien si vous voulez lire l’accord. (...)

cet accord est un accord global qui encadre aussi les investissements et la coopération réglementaire.

Voilà pourquoi les craintes sont si fortes. C’est un saut vers l’inconnu que feront les parlementaires qui voteront solennellement pour la ratification du CETA mardi prochain, car ce vote a finalement été reporté après des protestations de l’opposition.
Un saut dans l’inconnu

Les partisans du CETA (la Commission européenne, le gouvernement français, le Medef et des fédérations sectorielles, les députés en Marche et Modem qui ont déjà voté pour sa ratification en commissions la semaine passée) estiment que les critiques des opposants à ce traité (tous les groupes de l’assemblée nationale, sauf La République En Marche et le Modem + et 72 organisations) ont été prises en compte, et que les garanties qui ont été négociées pendant et après l’accord sont les plus grandes jamais inscrites dans un accord.

Il est vrai qu’entre l’accord présenté aux Etats de l’UE pour validation en octobre 2016 et le texte que s’apprêtent à ratifier les députés français, il y a eu du nouveau :

une commission d’experts indépendants a rendu en septembre 2017 un rapport (à la demande d’Emmanuel Macron) sur le CETA et sa compatibilité avec les plus hautes exigences climatiques et environnementales, ce qu’on nomme la commission Schubert
une procédure d’interprétation de l’accord (ce qu’on appelle un veto climatique) a été introduite en annexe de l’accord

une déclaration interprétative adoptée en octobre 2016 mentionne notamment une responsabilité partagée de l’UE et du Canada par rapport à l’accord de Paris (...)

le Conseil constitutionnel a estimé dans sa décision du 31 juillet 2017 que le CETA n’était pas contraire à la Constitution française
la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé dans un avis du 30 avril 2019 que le mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat était compatible avec le droit de l’UE

Mais ces éléments nouveaux n’apaisent pas les craintes, dont certaines émanent des experts indépendants de la commission Schubert. Des questions se posent et les réponses ne se résument pas à OUI ou NON.

Après le CETA, l’Union Européenne et les 28 Etats qui la composent seront-ils libres de légiférer comme bon leur semble ?

Quelles garanties apporte le veto climatique ?

Qui fera évoluer cet accord "vivant" et avec quels contrôles démocratiques ?

Le CETA peut-il nous entraîner vers un moins disant environnemental, sanitaire et climatique ?

A toutes ces questions, on peut répondre peut être que OUI, mais éventuellement NON. Voilà pourquoi le débat est si crispé, voire impossible. Voilà pourquoi les députés ne peuvent pas réellement mesurer les conséquences de leur vote. La ligne de partage n’est pas seulement entre partisans et opposants au libre-échange, elle est entre ceux qui ont confiance dans l’Union européenne pour défendre les intérêts des citoyen.es et ceux qui n’ont pas ou plus confiance.

Ce qui est notable - en tant que journaliste qui suit les péripéties du CETA depuis 2016 - , c’est que ceux et celles qui ont le plus disséqué le CETA sont aussi ceux et celles qui ont le plus de craintes (notamment les experts). A contrario, des députés qui s’apprêtent à voter pour sa ratification n’ont eu que quelques semaines pour l’examiner, et s’illustrent par leur connaissance parcellaire de ses implications, y compris le rapporteur du texte Jacques Maire (...)