Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
inf’ogm
Brevet & OGM : le système alimentaire sous contrôle
#OGM #brevets #alimentation #agroindustrie
Article mis en ligne le 16 janvier 2023
dernière modification le 15 janvier 2023

Grâce à ses brevets, l’agro-industrie pourrait imposer un système alimentaire « sous contrôle ». Concrètement, elle peut décider de la qualité et du prix de la nourriture, au détriment de la biodiversité, des paysans et des petits semenciers. La question du libre choix alimentaire, voire de la souveraineté alimentaire, a rarement été autant d’actualité.

La biodiversité cultivée exposée

Dans la pratique de l’OEB (Office Européen des Brevets), les végétaux obtenus par un procédé technique modifiant leurs caractères génétiques sont brevetables [1]. Ils peuvent contenir un transgène ou être « mutants » par mutagenèse « aléatoire » ou « dirigée » [2]. Si la descendance des transgènes et des mutants est porteuse du transgène ou de la mutation, elle est aussi brevetable. Les nouvelles techniques de modification génétique qui visent une mutagenèse dirigée, comme celles utilisant l’outil Crispr/Cas9, font l’objet d’un nombre croissant de demandes de brevets de la part d’un « cartel » agro-industriel dominé par Corteva et Bayer [3].

Certains de ces brevets sont d’une telle portée qu’ils peuvent couvrir des traits exprimés par des variétés végétales issues de procédés conventionnels de croisement-sélection, des traits natifs d’espèces végétales présentes dans la nature, ou encore dans plusieurs variétés différentes [4]. L’appropriation de ces caractéristiques par l’industrie (ou par les instituts de recherche) peut contraindre le développement de la biodiversité cultivée, particulièrement celle produisant des aliments. (...)

Brevets OGM et prix de l‘alimentation

Dans sa conclusion, le rapport d’un collectif d’ONG, dont Global 2000 (Les Amis de la Terre en Autriche), affirme : « Plus le nombre de brevets accordés pour des techniques de sélection végétale sera élevé, moins la diversité génétique sera disponible pour que d’autres puissent travailler librement. Cela ne menacera pas seulement la viabilité du secteur traditionnel de la sélection végétale, mais aussi limitera le développement des cultures, ce qui a des conséquences sur la résilience de nos systèmes alimentaires et peut entraîner une hausse des prix des denrées alimentaires » [7]. Selon la FAO, douze plantes, dont le blé, le riz, le soja et le maïs, garantissent 75 % de l’apport alimentaire mondial [8]. Une protection par brevet de versions OGM de ces plantes, dont les semences ne peuvent être utilisées par les agriculteurs, peut en effet avoir pour conséquence de brider le processus de diversification génétique. Or, c’est aussi grâce à la biodiversité des semences que l’agriculture peut espérer palier d’éventuels problèmes de récolte, réduire les risques de crises alimentaires et limiter l’impact sur le prix de l’alimentation.

Les brevets peuvent aussi impacter financièrement les producteurs refusant d’utiliser des OGM dans la mesure où ils doivent, notamment, supporter le coût des tests montrant que leur cultures en sont exemptes. Le prix de l’alimentation issue d’agriculture non-OGM peut donc lui aussi dépendre de l’existence ou non de brevets. (...)

En Europe, aucune alimentation humaine contenant des OGM n’est pour le moment autorisée [12], mais plusieurs espèces animales sont nourries aux OGM, comme un poulet nourri au soja GM. Aux États-Unis, ce type d’alimentation est commercialisé [13]et une partie de l’industrie agroalimentaire s’y développe en ce sens. (...)

L’incidence sur les droits des paysans et des petits semenciers

Cette atteinte orchestrée à la biodiversité cultivée s’accompagne d’une mise en danger des paysans et des petits semenciers. Des portefeuilles de brevets denses pèsent en effet sur eux et les placent en incapacité d’innover sereinement. (...)

Le brevet, levier du lobby agroalimentaire ? (...)

Le sujet de l’alimentation est d’intérêt général, ne serait-ce que parce qu’il est lié à la question sanitaire et à l’autonomie politique. C’est aussi le cas de la biodiversité, cultivée ou pas. Dès lors, comment peut-on concevoir qu’un outil tel que le brevet impacte ces secteurs fondamentaux, notamment via le lobbying industriel, ainsi que les droits des paysans et des petits semenciers ? (...)