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le Monde
Bore-out : voyage au bout de l’ennui
Article mis en ligne le 7 juillet 2018
dernière modification le 6 juillet 2018

Face à la persistance du chômage, difficile de se plaindre qu’on s’ennuie à son poste. Le « bore-out » reste un sujet tabou alors qu’il représente une véritable souffrance au travail.

Peter Werder et Philippe Rothlin, deux consultants suisses, ont pour la première fois nommé ce phénomène dans Diagnose Boreout (en allemand, Redline Wirtschaft, 2007). Selon eux, 15 % des salariés seraient touchés. Christian Bourion, professeur à ICN Business School Nancy-Metz et auteur de Le Bore-out syndrom. Quand l’ennui au travail rend fou (Albin Michel), évalue plutôt à 30 % le nombre d’employés atteints. Chiffrer le bore-out est particulièrement difficile car il est tabou.

La honte
« Aujourd’hui, les gens veulent que l’emploi soit source d’épanouissement. Nous éduquons nos enfants comme cela, nous leur faisons faire de longues études. Mais lorsque ces derniers arrivent sur le marché de l’emploi, c’est la grosse désillusion. Résultat : il y a encore plus de souffrance due à l’ennui », ajoute le chercheur.

Si les causes sont différentes du burn-out, un ennui prolongé au travail provoque une souffrance comparable. « Il provoque un sentiment d’inutilité. Une attaque de l’estim e de soi qui peut se transformer assez vite en questionnement de son rôle dans la société »(...)

A la clé, de l’angoisse, a minima de la démotivation et, paradoxalement, une difficulté à s’impliquer dans le peu de tâches à réaliser. Les personnes perdent confiance en elles, culpabilisent, s’isolent. A terme, la dépression guette.(...)

L’inactivité imposée est également source de grande fatigue.(...)

Et la honte accompagne souvent fortement l’impression d’inutilité. A tel point que les victimes de bore-out tentent souvent de dissimuler leur inactivité, de jouer la comédie. (...)

Pour certains experts, les jeunes diplômés seraient particulièrement sensibles au bore-out. « Ils rament pour pouvoir s’insérer et ils se raccrochent souvent aux branches avec un boulot par défaut. L’ennui au travail est encore plus dur à vivre quand on est jeune et diplômé », affirme Jean-Claude Delgènes.

Jean Dugas, directeur des ressources humaines de transition, analyse la situation différemment : « Je vois des bac + 2 qui se battent et arrivent à décrocher des postes au-dessus de leur niveau et je vois des bac + 5 qui tombent de haut car ils croyaient que tout leur était dû, alors qu’il y a aussi le quotidien à se coltiner dans tout travail. »(...)

« La situation conduit les gens à s’enkyster dans des jobs qui ne les satisfont pas, ce qui mène à plus de souffrance au travail. Ce phénomène est nouveau sociologiquement, avant vous changiez de poste. Aujourd’hui, nous devons apprendre à vivre malheureux au travail », déplore Philippe Zawieja.

Un constat d’autant plus pessimiste que du côté de l’entreprise, la question du bore-out semble – justement – ne pas en être une. (...)