
Les généraux putschistes ont fait planer ce lundi en Birmanie pour la première fois la menace d’"actions" contre les contestataires et la loi martiale a été décrétée dans plusieurs quartiers de Mandalay, la deuxième ville du pays, alors que des foules massives ont de nouveau manifesté contre le coup d’État qui a renversé Aung San Suu Kyi.
Il s’agit du premier avertissement lancé par les autorités depuis le début des manifestations samedi, mais la pression monte : la police a fait usage de canons à eau à Naypyidaw, la capitale. Le Royaume-Uni, l’Union européenne et 19 autres membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont demandé lundi une réunion d’urgence pour débattre de la situation en Birmanie.
Cette demande "est en réponse à l’état d’urgence imposé en Birmanie, la détention arbitraire de responsables politiques démocratiquement élus et de membres de la société civile", a déclaré l’ambassadeur du Royaume-Uni auprès des Nations unies à Genève, Julian Braithwaite. La fronde grandit dans le pays. Ce lundi, plusieurs centaines de milliers de personnes, d’après diverses estimations, se sont rassemblées à Rangoun, la capitale économique. (...)
Des moines en robe safran, des étudiants et des infirmières ont rejoint le mouvement, agitant des drapeaux rouges aux couleurs de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi (...)
"Avant nous vivions dans la crainte, mais nous avons eu un gouvernement démocratique pendant cinq ans. Nous n’avons plus peur. On ne se laissera pas faire", a lancé Kyaw Zin Tun, ingénieur de 29 ans. Des manifestations se sont tenues dans de nombreuses autres villes du pays (...)
Ce vent de contestation est inédit en Birmanie depuis le soulèvement populaire de 2007, "la révolution de safran" menée par les moines et violemment réprimée par l’armée.
"Quel est le but exact des manifestants ?, s’interroge Soe Myint Aung, analyste au centre de recherche indépendante de Rangoun. Revenir au fragile équilibre entre gouvernement civil et militaire d’avant les législatives de novembre 2020 ou cette fois totalement chasser l’armée du pouvoir ?".
En tout cas, le risque de répression est réel. "Nous savons tous de quoi l’armée est capable : d’atrocités massives, de meurtres de civils, de disparitions forcées, de torture et d’arrestations arbitraires", a souligné Tom Villarin du groupement des parlementaires de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) pour les droits de l’homme. (...)
Le pape François qui avait déjà exprimé sa "solidarité avec le peuple birman" a exhorté lundi à la libération "rapide" des responsables emprisonnés.
Quelques jours plus tôt, l’ONU avait exprimé sa "profonde préoccupation", sans toutefois condamner formellement le putsch dans sa déclaration commune, Pékin et Moscou, soutiens traditionnels de l’armée birmane aux Nations Unies, s’opposant à cette formulation. Les Etats-Unis et l’Union européenne font de leurs côtés planer la menace de sanctions. (...)
Très critiquée il y a encore peu par la communauté internationale pour sa passivité dans la crise des musulmans rohingyas, Aung San Suu Kyi, en résidence surveillée pendant 15 ans pour son opposition à la junte, reste adulée dans son pays. (...)