
La rue principale du bidonville vit au ralenti. Si le jugement du tribunal administratif a sauvé au moins provisoirement les échoppes de la destruction (mais la préfecture a annoncé qu’elle faisait appel du jugement), les descentes de police pour s’assurer de leur fermeture continuent
Sur le seuil de son restaurant désert, un ami nous invite à nous arrêter boire un thé. En passant, il nous montre le groupe électrogène arrêté et nous explique. Avant, avec le restaurant, il gagnait un peu d’argent, de quoi acheter les denrées, envoyer un peu à sa famille, acheter l’essence pour le groupe électrogène. Maintenant, les gens continuent à venir le voir pour recharger leur téléphone, mais il n’y a plus d’électricité. Avec quoi pourrait-il acheter l’essence maintenant qu’il n’a plus d’activité ?
Deux jours plus tard, un peu plus loin dans la rue principale, ce sont des amis d’amis qui nous invitent à boire le thé dans la boutique où ils vivent. Là aussi, les rayonnages sont vides. Mais pendant l’après-midi que nous passons là à discuter, parfois pour dire bonjour, souvent pour demander quelque chose. Quelque chose à acheter, mais aussi qui un outil à emprunter, qui un renseignement. L’échoppe n’est pas seulement un endroit où on vendait des choses, mais aussi un lieu qui offre les ressources les plus variées.
La fermeture des commerces et restaurants du bidonville est donc une action nuisible pour toutes les personnes qui avaient avantage à leur existence, les services qu’ils rendaient allant au-delà de l’acte commercial proprement dit. Elle ne rapporte rien à l’État, elle est même coûteuse – 150 fonctionnaires de police mobilisés les premiers jours de l’opération. Elle est un manque à gagner pour les commerces calaisiens où s’approvisionnaient ceux du bidonville. (...)
Les exilé-e-s ne vont pas disparaître de sitôt (voir ici et là), et il est plus que temps d’adopter une démarche constructive, qui s’appuie sur la réalité et sur le potentiel des personnes et du tissu social.