
Plus qu’un débat politique, c’est un jeu d’échecs idéologique qui se joue autour de l’examen, ce jeudi 1er décembre, de la proposition de loi visant à créer un “délit d’entrave numérique” à l’interruption volontaire de grossesse. Autrement dit, à forcer les sites anti-avortement qui avancent masqués à montrer leur vrai visage.
L’enjeu n’est pas secondaire. A la veille de ce débat, ivg.net, l’un de ces prétendus sites neutres, apparaissait encore en haut de page pour la requête « IVG » sur le moteur de recherche Google. Un site qui se présente comme destiné à fournir une information objective sur l’avortement, mais multiplie en fait les messages dissuasifs, visant ainsi un but précis : empêcher les femmes d’exercer un droit. Un autre, ecouteivg.org, prend également des airs institutionnels. Un troisième, afterbaiz.com, le plus récent, joue quand à lui la carte jeune.
Ces trois sites en particulier sont dans le viseur du gouvernement et des député.e.s de gauche. Mais les mouvements anti-IVG, accompagnés par les évêques de France, n’ont pas manqué de sauter sur l’occasion pour crier à la censure. (...)
Ces voix assènent ainsi que le gouvernement cherche à museler toute opinion discordante, dénoncent une atteinte à la liberté d’expression. La démocratie serait en danger ! Cet argument est tout aussi manipulateur que ces sites internets : il fait oublier que le texte de loi ne vise pas les messages d’opposition à l’IVG, mais simplement ceux qui ne jouent pas le jeu du discours transparent. Du débat démocratique, précisément. D’autres, comme le Centre Européen pour la Loi et la Justice – un nom aux airs institutionnels pour ce qui est en fait un organisme de propagande réactionnaire, et en particulier anti-IVG – ont déjà établi un solide argumentaire juridique. (...)
Et si la loi est validée, les anti-avortement saisiront la Cour européenne des droits de l’Homme dès la première condamnation. Si le but recherché par le gouvernement est de pousser ces sites trompeurs à annoncer clairement la couleur, nul doute qu’il ne s’y conformeront pas, préférant chercher le rapport de force. D’autant plus que l’élection de Donald Trump a ragaillardi les mouvements réactionnaires bien au-delà des États-Unis (...)