
Madame la Ministre, Madame la Secrétaire d’Etat,
Nos organisations syndicales souhaitent vous interpeler sur les violences sexuelles et sexistes : celles sur lesquelles nous avons vocation à intervenir, et celles que nous subissons.
Ces jours-ci, l’affaire « Weinstein » a permis à des journalistes, à des actrices de rendre publiques l’ampleur et la gravité des agressions et harcèlements sexuels dans leur milieu professionnel. Dans ce sillage, un appel a été lancé et largement suivi sur Twitter (#balancetonporc) qui montre que cette situation touche tous les milieux professionnels, repris par de nombreux médias à portée nationale.
Cette actualité coïncide de surcroît avec le lancement déjà annoncé d’une nouvelle campagne interministérielle contre les violences faites aux femmes.
Nous nous saisissons donc de cette occasion pour vous alerter publiquement.
Lundi matin, sur France Inter, on pouvait entendre le témoignage d’une salariée d’une agence de services à la personne, relatant comment elle avait été agressée sexuellement par un client puis menacée de voir ses heures réduites par son employeur auprès de qui elle s’en était plainte. Son témoignage se terminait sur ce constat accablant :
« J’ai contacté l’inspection du travail de mon secteur pour savoir si je pouvais me retourner contre mon employeur. On m’a dit qu’il y avait un vide juridique. Donc j’ai dû gérer le traumatisme et la pression toute seule. Ça a été un coup en plus. ».
En effet, aucune formation n’est dispensée aux agent.es au contact du public (contrôle, accueil, renseignements, notamment), contrairement à ce qui est réalisé dans d’autres ministères placés en situation d’accueillir des femmes victimes de harcèlements et agressions sexuelles et de recueillir des plaintes.
Il ne s’agit pas de mettre en place, comme actuellement, de simples actions de communication et de sensibilisation ; il ne s’agit pas non plus de dédier à la question une poignée de demi-journées réservées à quelques encadrant.es pour l’ensemble des cinq ministères sociaux, comme cela a été entrepris avec l’A.V.F.T.
Il existe une expertise scientifique (la psycho traumatologie particulière aux violences sexuelles), juridique (la qualification appropriée des faits : une main aux fesses n’est pas un agissement sexiste mais une agression sexuelle !) et pratique (notamment les méthodes d’investigation : non, ce n’est pas une parole contre l’autre !).
Il est inadmissible que notre ministère n’ait aucun plan de formation consistant. Par ailleurs, nous relevons que notre ministère qui se gargarise de prioriser les actions de l’inspection du travail préfère mettre l’accent sur les travailleur.euses détaché.es que sur les violences faites aux femmes.
Les salariées qui sollicitent nos services font les frais de ce laxisme, aggravant leur traumatisme, les conséquences de leur agression, les privant de la protection et des recours qu’elles auraient dû pouvoir trouver auprès des professionnels de l’Etat ou avec leur aide.
Les agent.es également se trouvent démuni.es face à ces situations dramatiques, tels que les viols d’apprenties mineures, et renvoyé.es à leurs insuffisances ou erreurs éventuelles et la culpabilité y afférent.
Nous vous demandons de nous communiquer un plan d’action comportant au moins les points suivants (...)
Nous vous rappelons également qu’il est parfaitement inutile de prétendre renforcer l’action des services de l’Etat dans un contexte de réduction massive d’effectifs.
Comme le soulignait l’A.V.F.T. dans une Tribune publiée par le journal L’Humanité des 6, 7 et 8 octobre 2017 (pièce jointe) :
« La longévité de l’association lui a permis d’observer un double mouvement contradictoire. Tandis que le législateur a renforcé bon gré mal gré le droit positif en matière de harcèlement sexuel, dans le même temps les services publics permettant de faire valoir ces droits n’ont cessé de s’effriter, notamment ceux de l’inspection du travail. »
« Nous avons connu une époque où la saisine de l’inspection du travail par la salariée victime de harcèlement sexuel déclenchait quasi automatiquement une enquête (…). Les éléments alors recueillis étaient fondamentaux pour établir le harcèlement sexuel et permettre à la salariée de faire valoir ses droits en justice. »
Sur les 5 dernières années, le nombre d’agent.es de contrôle est passé de 2 289 à 1 800, soit 489 de moins : c’est 1 poste sur 5 ! Au 1 er janvier 2018, pour la seule région Ile-de-France, c’est 1 poste sur 10 de plus qui va être supprimé ! (...)