
Dans la Meuse, où l’État compte cacher les déchets radioactifs les plus dangereux de France, des sommes colossales d’argent public abreuvent une campagne dépeuplée. Les euros coulent à flots, non pas pour les écoles, qui ferment, ni pour les hôpitaux, qui périclitent. Mais des millions de subventions pour les clubs sportifs, les associations de chasseurs ou les salles des fêtes… Ainsi espère-t-on enterrer l’opposition des riverain·es à Cigéo, projet vaseux d’enfouissement de la question du nucléaire.
l’achat des consciences n’est pas la seule arme pour réprimer celles et ceux qui résistent : depuis septembre 2016, une pluie de procès s’abat sur les opposant·es à Cigéo. Mardi 12 juin 2018, ce sont encore cinq personnes qui passent au tribunal, et le 26 juin, ce sera le délibéré pour treize personnes arrêtées en mars et jugées le 23 mai dernier (plus d’infos ici). Alors que, le 16 juin prochain, se prépare une journée d’action à Bar-Le-Duc (Meuse), Jef Klak décortique les plus que douteuses méthodes employées par l’État et le secteur du nucléaire pour imposer la fuite en avant énergétique. (...)
C’est donc ici que sera construit le plus grand projet d’enfouissement que la France ait jamais connu. Le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), à Bure, où l’on enterrera les déchets nucléaires les plus dangereux du pays. C’est « moins de 4 % du volume total des déchets […], mais ils concentrent 99 % de leur radioactivité », signale l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), responsable du projet. Ils y reposeront pour l’éternité. Ainsi le Parlement a-t-il eu l’idée d’un « accompagnement économique et financier » de la région. Depuis le début des travaux, on estime à un milliard d’euros les aides publiques versées en Meuse et dans le département voisin de la Haute-Marne. Car il n’en va pas seulement de la survie de la filière nucléaire : à en croire le gouvernement, c’est une affaire de « reconnaissance de la Nation 5 ».(...)
Le trou le plus cher de l’Histoire
La France, deuxième producteur au monde d’électricité d’origine nucléaire, croule aujourd’hui sous 1,46 million de m3 de déchets radioactifs. À la fin des années 1960, elle en a déversé plus de 14 000 tonnes au large de la Galice et de la Bretagne. Avec le Centre national d’études spatiales, elle a « sérieusement » étudié leur envoi dans l’espace, jugeant au final « qu’on ne peut pas prendre le risque qu’une fusée rate » 6. Plus tard, un géologue entendu par le gouvernement proposait de les déverser dans des pays pauvres « moyennant compensation financière 7 ». Puis vint la brillante idée d’enterrer tout ça sous le tapis de la croûte terrestre.(...)
i comme dans le reste de la France, la plupart des sites de transformation du lait appartiennent à de grands groupes comme Lactalis ou Bongrain. Suspendues aux aléas des marchés depuis le démantèlement de la Politique agricole commune (PAC), les petites exploitations s’appauvrissent, s’endettent, disparaissent. (...)
« L’Andra est partout, lâche Jacques, excédé. Elle arrose les clubs de foot, les associations. Le voisin du dessus, Marcel, leur a vendu son terrain il y a deux ou trois ans. Pourquoi on a besoin d’un hôtel de quinze chambres dans un village comme celui-ci ? Qu’est-ce qui peut justifier des sommes pareilles ? »
Il reste qu’on ne fait pas taire une région à la seule force du porte-monnaie. Ces deux dernières années, la criminalisation des opposant·es à Cigéo a pris des airs kafkaïens. (...)
Mobilisé·es depuis le début du projet qui a été décidé sans en exposer les enjeux réels aux habitant·es ni au reste de la population française, les opposant·es, préparent donc en riposte une « énième » manifestation contre la « poubelle nucléaire » le 16 juin.