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Reporterre
Avec la 5G, nous sommes tous des rats de laboratoire
Article mis en ligne le 24 février 2019
dernière modification le 22 février 2019

La France s’apprête à déployer la 5G, qui repose en partie sur l’utilisation d’ondes à très haute fréquence. Aucune étude épidémiologique n’ayant été faite, scientifiques, médecins, et jusqu’aux services de l’État s’alarment.

La cinquième génération de standards pour la téléphonie mobile, ou 5G, est la promesse de pouvoir se connecter d’où que l’on soit sur la planète. C’est aussi l’occasion d’aligner les superlatifs : de partout et tout le temps, ultra haut débit, transmission à moins d’une milliseconde. À tel point que certains parlent « de changement sociétal sans précédent à l’échelle mondiale », avec l’arrivée des objets connectés, 155 milliards d’ici 2025 [1], des villes intelligentes, des voitures autonomes, des robots chirurgiens, etc. Revers de la médaille, « la 5G augmentera l’exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquence (CEM-RF) », ont prévenu, en septembre 2017, plus de 170 scientifiques issus de 37 pays. Ils réclament un moratoire « jusqu’à ce que les dangers potentiels pour la santé humaine et l’environnement aient été (...) évalués par des scientifiques indépendants de l’industrie (...) Il est prouvé que les émissions CEM-RF sont nuisibles à l’homme et à l’environnement ».

Dès 2011, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait classé les radiofréquences comme « cancérogènes possibles pour l’Homme ». (...)

« Le problème de la 5G est similaire, mais en pire, aux problèmes que l’on constate déjà avec les premières générations de téléphone, du fait que les ondes sont pulsées »
Ces études scientifiques incontestées ne concernent pas directement la 5G. C’est d’ailleurs ce que souligne le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques du 11 décembre 2018 sur la 5G. Les auteurs relèvent « que le financement d’études indépendantes (...) est pour l’heure compromis : le projet de loi de finances 2019 a supprimé une taxe additionnelle qui servait jusqu’alors à ces financements. Et son remplacement par une subvention n’est pas acté ».

« Toute nouvelle technologie suscite des inquiétudes », relativise Gilles Brégant, directeur général de l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Alors légitimes ou fantasmées ? Les craintes s’alimentent peut-être du fait qu’on semble mettre la charrue avant les bœufs : miser sur une technologie dont on ne peut mesurer les effets sanitaires que plusieurs années plus tard ne revient-il pas à faire de la population des rats de laboratoire ? (...)

Comme le fait remarquer la docteure Annie Jeanne Sasco, médecin épidémiologiste du cancer et coordinatrice en Europe de la pétition contre le déploiement de la 5G, « il faut du temps pour développer un cancer ». Comment évaluer en quelques mois les effets de nouvelles fréquences sur le vivant ? Sans parler des combinaisons de fréquences. Cela n’empêche pas la cancérologue d’affirmer que « le problème de la 5G est similaire, mais en pire, aux problèmes que l’on constate déjà avec les premières générations de téléphone, du fait que les ondes sont pulsées ». « L’être vivant n’est pas fait pour être exposé à ce type de champs électromagnétiques. Des cellules vivantes peuvent à la rigueur s’adapter à des expositions continues, estime l’épidémiologiste. Mais passer en “on/off, on/off, on/off” à la vitesse extraordinaire de la 5G ne va pas permettre à nos cellules de s’adapter. »

Car la 5G repose sur un ensemble de fréquences : celles assez classiques, situées dans la bande allant de 3,4 à 3,8 GHz, voisines du spectre de la 3G et de la 4G. Mais aussi sur une autre tranche du spectre électromagnétique, située aux alentours des 26 GHz. « Cette bande n’a jusqu’à présent jamais été utilisée pour des réseaux mobiles » (...)

Quoi qu’il en soit, en 4G ou 5G, l’argument rassurant est le suivant : le téléphone émet moins fort et moins longtemps car les antennes sont plus proches. De plus, ajoute Gilles Brégant, de l’ANFR, « les constructeurs sont en train de développer des antennes pour la 5G qui peuvent se focaliser comme un projecteur vers le téléphone qui est à proximité, ce qui permettra d’éviter une permanence de fonctionnement ». Et de conclure : « S’il n’y a pas de téléphone, vous n’êtes pas visé. » À raison de 75,5 millions cartes SIM en service en France au 30 septembre 2018 [2], le répit d’émission risque toutefois d’être court, du moins en journée. (...)

Questionné à ce sujet par Reporterre, le ministère de la Transition écologique et solidaire explique que « l’avis relatif au dépassement du DAS est attendu pour mai 2019 et que celui relatif au nouvel indicateur le sera ultérieurement ». Ultérieurement… Pour rappel, l’Anses en 2013 recommandait des études « préalables ». Le ministère assure qu’une évaluation a été demandée pour juin 2019. Sachant que les premiers vrais téléphones 5G n’arriveront en France que cet été, le timing des tests risque d’être serré. En attendant, les expérimentations sur des « débits inégalés », pour des « usages inédits » fleurissent. Ainsi, 21 nouvelles stations 5G expérimentales ont été autorisées par l’ANFR en janvier dans la bande 3,5 GHz, pour un total de 78 stations autorisées en France [3].