
Fondé sur l’élection directe du chef de l’État, le régime présidentiel français découle d’une révision constitutionnelle adoptée par référendum le 28 octobre 1962. De tradition bonapartiste, le général de Gaulle choisit de revenir à un mode de désignation qui, dès sa naissance en 1848, avait posé le problème du respect de la souveraineté populaire par le pouvoir exécutif.
Plusieurs candidats à l’élection française dénoncent la « monarchie présidentielle » et font campagne pour une profonde transformation des institutions, voire pour l’instauration d’une VIe République. Celui de La France insoumise, M. Jean-Luc Mélenchon, s’engage même, s’il est élu, à être « le dernier président de la Ve République ». En prônant la mise en place d’une Assemblée constituante, ce mouvement entend redonner du pouvoir au peuple en suivant les pas des révolutionnaires de la IIe République.
En février 1848, une révolution met fin à la monarchie de Juillet, usée par les scandales et par des pratiques de plus en plus autoritaires. Le gouvernement provisoire veut organiser au plus vite des élections afin de désigner une Assemblée constituante, chargée d’établir les nouvelles règles politiques. Aussitôt, des voix s’élèvent pour dénoncer un processus prématuré et dangereux. Selon le républicain François-Vincent Raspail ou le socialiste Louis Blanc, le peuple ne serait pas prêt : il faudrait l’éduquer avant de lui confier cette responsabilité, arguent-ils, et les mesures sociales doivent précéder les préoccupations politiques. Le 23 avril 1848, une Assemblée est néanmoins élue. Elle compte plus de huit cents membres, dont trois cents anciens représentants monarchistes, « républicains du lendemain ».
La Constitution est préparée en deux temps, au printemps et à l’automne. En mai et juin, le travail est délégué à un « comité de Constitution », composé de dix-huit parlementaires élus après une semaine d’âpres débats. (...)
Dès la fin de mai, un projet est envoyé devant les commissions de l’Assemblée, mais les débats ne commencent qu’après les « journées de juin », qui voient s’affronter autour de la fermeture des Ateliers nationaux deux visions de la république : celle d’un régime représentatif et celle d’une « vraie république », démocratique et sociale.
L’idée d’élaborer une nouvelle Constitution ne va pas de soi. Les socialistes et les républicains les plus radicaux souhaitent plutôt mettre en place la Constitution de 1793, ou reprendre des projets préparés dans les années 1830-1840. Le texte de 1793, jamais appliqué (dans l’attente de la paix), prévoit pour la première fois le suffrage universel (masculin) et une démocratie semi-directe, avec une concentration des pouvoirs au profit de l’Assemblée et la possibilité pour le peuple de proposer directement des candidats au conseil exécutif ou de se prononcer sur toutes les lois. Les députés, élus par les « assemblées primaires », sont simplement considérés comme des mandataires, pour une période limitée à un an. Quant aux projets établis sous la monarchie de Juillet, ils visent avant tout à poser des limites à l’exécutif, en trouvant les moyens de le contraindre à reconnaître la souveraineté du peuple et à accepter les réformes sociales nécessaires. La priorité alors accordée au social est telle que, en 1832, dans le programme de la Société des amis du peuple, François-Vincent Raspail ne consacre que quelques lignes à la question du pouvoir exécutif : celui-ci est d’une certaine façon « concédé », mais aussi révocable, non héréditaire et discontinu dans le temps.
L’examen article par article de la Constitution de 1848 se déroule du 4 septembre au 27 octobre. (...)
l’Assemblée décide, par 627 voix contre 130, l’élection du président de la République au suffrage universel.
À aucun moment il n’est fait mention des limites de ce suffrage « universel » qui exclut les femmes. Le 4 novembre, la Constitution est adoptée. « En présence de Dieu et au nom du Peuple français », proclame son préambule, tandis que l’article IV dispose que la République « a pour principe la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l’Ordre public ». On est déjà loin de la république démocratique et sociale rêvée par les ouvriers au printemps 1848. Les « journées de juin » ont consacré l’écrasement des révolutionnaires par la troupe. (...)