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Basta !
Au secours, les gaz de schiste reviennent !
Article mis en ligne le 13 septembre 2012

Ambiguïtés ministérielles, lobbying intensif de l’industrie pétrolière et gazière, appels pressants d’éditorialistes et de chroniqueurs en faveur de leur extraction, multiplication de permis d’exploration, camions sismiques en attente d’autorisation… Alors que s’ouvre la conférence environnementale, les gaz de schiste sont loin d’être définitivement enterrés. (...)

Il est déjà loin le temps où les leaders socialistes s’opposaient fermement aux gaz de schiste. « Une fausse bonne idée aux risques écologiques démesurés », expliquait il y a un an Arnaud Montebourg [1]. Lors du débat sur la loi du 13 juillet 2011, interdisant la fracturation hydraulique, le futur ministre du Redressement productif, le futur Premier ministre et le futur Président – alors dans l’opposition – ont même signé une proposition de loi « visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures non conventionnels et à assurer plus de transparence dans le code minier ». C’était avant d’arriver au pouvoir.

Depuis, tout a soudainement changé : « Le débat n’est pas tranché », explique Jean-Marc Ayrault le 22 août. « Le 14 septembre va s’ouvrir une conférence environnementale et […] il faut qu’on mette sur la table les différentes solutions qui pourraient exister et [établir s’il faut ou non] les utiliser » [2]. Arnaud Montebourg s’est également dit prêt à reconsidérer la question, le 11 juillet, à l’occasion d’une réunion de la Conférence nationale de l’industrie. Delphine Batho, devenue ministre de l’Écologie après l’éviction de Nicole Bricq, doit se sentir bien seule. « Je pense que la transition énergétique, ce n’est pas d’aller chercher de nouveaux hydrocarbures », a-t-elle déclaré lors des journées d’été d’Europe écologie – Les verts, à Poitiers, où elle était invitée.(...)

La loi du 13 juillet 2011, votée sous le gouvernement Fillon, interdit bien « l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche » (Article 1). Mais le texte laisse quelques fenêtres ouvertes. (...)

la loi autorise la « mise en œuvre d’expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public ». (...)

Sur le terrain, une multitude de compagnies pétrolières continuent de s’activer, et de saisir les opportunités laissées ouvertes par la loi. (...)

Offensive médiatique en faveur des gaz de schiste

Qu’importe ! « Profitons de la richesse du sol français en gaz de schiste ! », lance Claude Perdriel, dans une tribune publiée par Challenge du 12 juillet, magazine dont il est le propriétaire (...)

« N’enterrons pas le débat sur les gaz de schiste », renchérit un éditorial non signé du Monde, le 26 juillet. (...)

Début juillet, c’est l’inévitable Claude Allègre qui lançait dans Le Point son cri du cœur : « Monsieur Hollande, n’ayez pas peur des gaz de schiste  !  » (...)

Cette offensive médiatique fait étrangement échos aux préoccupations de l’industrie pétrolière et gazière. (...)

Au même moment, un colloque est organisé à Paris sous le « haut patronage » de François Fillon et d’Éric Besson, alors respectivement Premier ministre et ministre de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie. Parmi les table rondes : « L’interdiction française, comment en sortir ? », où seuls un intervenant de la Direction générale de l’énergie et du climat (ministère de l’Écologie) et des représentants des multinationales pétrolières et gazières prendront la parole. (...)

Sans oublier l’affaire du rapport de l’Association de l’École de guerre économique (AEGE). En juillet 2011, ce « réseau d’experts en intelligence économique » publie un rapport intitulé « L’intérêt du gaz de schiste pour la France ». Le texte est initialement présenté comme un « rapport de mission [confidentiel destiné à Total] pour une action de contre-information afin de faire basculer l’opinion française au sujet des gaz de schiste et de leur exploitation ». Contre-information, le mot est lâché. Le rapport propose des « argumentations et éléments de langage » et identifie quatre « cibles stratégiques » : les politiques, les médias, les scientifiques, les populations. Il s’agit par exemple de « faire la pédagogie de la réalité de l’exploitation des gaz de schiste auprès des populations qui n’en ont eu, jusqu’à présent, qu’une présentation partiale ». (...)

Rouvrir le débat sur les gaz de schiste : l’objectif est en passe d’être atteint. Quelle sera la prochaine étape visée par l’industrie pétrolière et gazière ? Le gouvernement socialiste enterrera-t-il toute ambition en matière de transition énergétique pour relancer la dépendance aux hydrocarbures ? Prendra-t-il le risque de susciter de nouvelles mobilisations ? Et de se couper de ses alliés écologistes ? La conférence environnementale et la réforme à venir du code minier devraient nous livrer des éléments de réponse.