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Reporterre
Au salon du nucléaire, on trinque à la gloire de l’atome
Article mis en ligne le 1er décembre 2021

« Nous sommes des activistes » de l’écologie, assurent les industriels au salon du nucléaire, près de Paris, au milieu des robots et des minis réacteurs atomiques. Soutenue par le politique, la filière s’est inventée un nouveau récit, tout de vert drapé.

Jamais l’avenir leur avait paru aussi radieux. Au World nuclear exhibition – le plus grand salon au monde consacré au nucléaire civil — les acteurs de la filière ont la mine des beaux jours, le sourire aux lèvres. Ce mardi 30 novembre, il n’est pas encore midi que les coupes de champagne se remplissent déjà. Il plane dans le parc des expositions de Villepinte, aux portes de Paris, comme un air de victoire. Un sentiment de triomphe.

Au milieu des professionnels en costume, les hôtesses d’accueil s’affairent frénétiquement. On débouche des bouteilles, on se sert des petits fours. De-ci, de-là, des robots sillonnent les allées, des hommes font voler des drones, tandis que d’autres avancent, hébétés, au milieu des stands, munis d’un casque en réalité virtuelle. Bienvenue à la messe du nucléaire, le grand temple des promoteurs de l’atome. (...)

Depuis les récentes annonces du gouvernement français — qui a affirmé vouloir construire de nouveaux réacteurs – un vent d’optimisme emporte la filière. « Nous sommes enfin de retour », affirme-t-elle. (...)

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire est venu lui-même inaugurer le salon, dans une ambiance proche du meeting électoral. À côté d’EDF et d’Orano, le membre du gouvernement donnait l’impression de se sentir chez lui, parmi les siens. (...)

Comble de l’histoire, Bruno Le Maire a dû terminer son discours sans micro du fait… d’une panne d’électricité. (...)

Dix ans après l’accident de Fukushima, la filière s’est inventée un nouveau récit, tout de vert drapé. Au milieu des stands, entre deux « business meeting », on ne parle d’ailleurs plus que de ça. « L’écologie » et « l’environnement » sont devenus l’argument phare pour promouvoir la relance du secteur. (...)

Il y a deux semaines, de nombreux personnes présentes au WNE s’étaient déjà rendues à la COP26, à Glasgow pour prêcher la bonne parole. (...)

On lui demande alors naïvement comment il se rend à tous ces événements. Après avoir buté, il reconnaît... en avion. « Faute de temps », précise-t-il. (...)
Sous les néons, dans ce hall fait de béton et d’acier, la dissonance semble totale. Des industriels encravatés nous parlent d’écologie devant une grue miniature de l’EPR de Flamanville et ses 400 000 m3 de béton coulé. On nous parle d’écologie en vantant des équipements de radioprotection, des caméras sensorielles, des outils de réalité augmentée. Des start-up prônent la numérisation du secteur et se passionnent de robotique. Au stand de l’Andra, l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs, on nous distribue aussi des goodies dont un colis radioactif miniature, en mousse, que l’on peut malaxer pour se détendre. « La gestion des déchets radioactifs est notre quotidien, cela n’a rien de stressant », explique très posément une attachée de presse. (...)

Au stand du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), les chercheurs plaident pour « un nucléaire du futur ». En off, un ingénieur reconnaît qu’il faudrait déjà s’occuper « des déchets du présent » et « savoir comment on démantèle les infrastructures existantes », avant d’envisager l’avenir. Il se fera rattraper rapidement par sa supérieure. Tout au long de la journée, on sillonne le salon sous bonne garde, les communicants guettent les journalistes, policent la parole de leurs salariés (...)

une attachée de presse du WNE hésite même à nous faire entrer dans le salon vu que Reporterre est, dit-elle, « critique du nucléaire ». Après lui avoir expliqué quelques éléments sur la liberté de la presse, elle concède à nous laisser passer. (...)

Derrière les sourires, l’industrie n’est pas complètement rassurée. Certes, elle est soutenue par le politique, mais bataille ardemment pour emporter l’adhésion du plus grand nombre. (...)