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le Monde Diplomatique
Au Venezuela, victoire du « chavisme sans Chávez »
Article mis en ligne le 20 avril 2013

En élisant M. Nicolas Maduro (Parti socialiste uni du Venezuela ; PSUV) avec 50,75 % des voix, le 14 avril, les Vénézuéliens ont, à une courte majorité, manifesté leur fidélité à l’héritage de feu le président Hugo Chávez et à la « révolution bolivarienne » qu’il a initiée. Comme le laissaient prévoir les déclarations qui ont ponctué ces dernières semaines, le candidat de la Table d’unité démocratique (MUD ; coalition de droite), M. Henrique Capriles Radonsky, crédité de 48,98 %, refuse de reconnaître le résultat. A l’instar de ce qui s’est systématiquement passé lors des seize scrutins précédents, la mise en cause de l’impartialité du Conseil national électoral (CNE) et la dénonciation d’obscures manœuvres du gouvernement pour « tordre la volonté populaire » ont servi de thème central à la campagne de l’opposition.

Provoquant la surprise d’une majorité d’observateurs et déjouant les sondages, la victoire de M. Maduro, adoubé par un Chávez conscient de la gravité du cancer qui l’a finalement emporté, a été beaucoup plus courte que prévue. Le 7 octobre 2012, briguant un troisième mandat, le chef de l’Etat disparu l’avait emporté avec 55,14 % des suffrages et plus de dix points d’avance sur M. Capriles (44,24 %). (...)


Pour autant, même plus étroite que prévue ou espérée, une victoire n’est pas une défaite. Elle conforte même le caractère démocratique de la révolution bolivarienne en démontrant, s’il en était besoin, que sa permanence au pouvoir ne résulte pas d’une « succession dynastique » mais bel et bien du choix des électeurs, en acceptant tous les aléas d’une consultation.

Sous réserve de mettre en œuvre avec succès le « Plan Patrie 2013-2019 », dont la présentation avait permis la large victoire de Chávez, d’approfondir son projet de transformation sociale et de s’attaquer vigoureusement aux dysfonctionnements du processus en cours — inflation, insécurité, production non pétrolière insuffisante, problèmes économiques (infiniment moins préoccupants que ceux de nombre de pays européens, soit dit en passant) —, la tendance peut parfaitement s’inverser (ou non) d’ici au 10 janvier 2019, terme du mandat de M. Maduro. (...)

La loi organique électorale prévoit que 54 % des votes doivent être recomptés manuellement (4), ce qui a été fait sans que ne soit détectée aucune anomalie majeure. Dès lors, la présidente du CNE, Mme Tibisay Lucena, estime infondée la demande de l’opposition qui exige que le scrutin soit réexaminé à 100 %. Elle n’en laisse pas moins la porte ouverte à une demande déposée dans les formes juridiques légales, M. Capriles s’étant jusqu’à présent contenté de déclarations incendiaires devant les micros. Mais ces diatribes ont eu leurs premiers effets. Quatre sièges régionaux du PSUV ont été incendiés le 15 avril, plusieurs centres médicaux et leurs médecins cubains ont été pris d’assaut, des radios communautaires ont été attaquées, quatre militants chavistes ont été tués (les affrontements post-électoraux ont fait sept morts au total). Dans un climat de tension rappelant les semaines qui ont précédé le coup d’Etat du 11 avril 2002, un concert de casseroles — le fameux cacerolazo — a résonné pendant une heure dans les quartiers bourgeois de Caracas tandis que la Garde nationale, à coups de gaz lacrymogènes, dispersait des milliers de manifestants.

M. Capriles continuant à appeler ses partisans à descendre dans la rue, se dirige-t-on vers une recrudescence d’actions destinées à créer un climat de déstabilisation et d’ingouvernabilité ? Le 26 mars dernier, trois députés de droite, MM. Ricardo Sánchez (suppléant de Mme María Corina Machado), Andres Avelino (suppléant de M. Edgar Zambrano) et Carlos Vargas (suppléant de M. Rodolfo Rodríguez), ont retiré leur appui à M. Capriles en dénonçant l’existence d’un plan élaboré par la MUD pour rejeter les résultats émis par le CNE lors de l’élection du 14 avril et orchestrer une période de violence dans le pays.