
Les manifestations qui ont gagné le pays depuis le 18 avril 2018 sont la plus forte expression citoyenne depuis longtemps. La violente répression qui s’abat sur les manifestants ne les décourage pas. En toile de fond, les désillusions avec le « projet politique » impulsé par la famille Ortega et un repositionnement des générations suivantes face à l’héritage du sandinisme.
(...) Tout a démarré avec une première manifestation de retraités contre un projet de réforme de l’Institut National de Sécurité Sociale, prévoyant une baisse de 5 % de leurs maigres pensions, dans un pays où plus de 50 % de la population vit dans la pauvreté. La répression conduite par des nervis casqués motorisés aux ordres du gouvernement, enflamme le pays et notamment la jeunesse étudiante.
Les manifestations suivantes, rassemblant jeunes et retraités, sont encore plus durement réprimées. La couverture des violences par les réseaux sociaux, au moment où le gouvernement fermait autoritairement les dernières chaines TV non assujetties au pouvoir, a entrainé une solidarité croissante au sein de la population et certains quartiers se sont couverts de barricades (...)
Les seules réactions du gouvernement ont consisté en un appel au « dialogue » tout en rejetant la responsabilité des « émeutes » sur des groupes cherchant à briser la paix sociale - des « vampires réclamant du sang pour nourrir leur agenda social », et d’hypothétiques groupes influencés par l’étranger. Quant aux violences de la police ou des groupes de nervis, ils ne seraient que « légitime défense ».
Par la voix de Mgr Silvio Baez, évêque auxiliaire de Managua, l’Eglise nicaraguayenne, pourtant peu encline à s’exprimer sur des sujets liés à la politique, demande l’arrêt des violences contre la population et « la reconstruction de la démocratie » dans un pays « fondé sur la liberté et la justice sociale ».
Un peuple uni contre la répression (...)
Lundi 23 avril, une immense manifestation rassemblait près de 500 000 personnes à Managua et plusieurs villes du pays. Le Président Daniel Ortega finit par annuler le décret de réforme de l’INSS.
Mais cela ne suffit pas à calmer une colère sociale accumulée depuis plus de dix ans. (...)
Le parti au pouvoir, tout en se réclamant de l’expérience historique du sandinisme et faisant appel à une rhétorique « chrétienne, socialiste et solidaire », se révèle avant tout défenseur des intérêts d’une nouvelle élite, très bien intégrée à un capitalisme autocratique.
Une chape de contrôle social s’est ainsi abattue sur le pays depuis environ 5 ans : remise en cause, voire disparition des organisations de la société civile non alignées au parti au pouvoir, recul des droits des femmes et des indigènes, atteintes graves à la liberté d’expression et de la presse. (...)
Des responsables de Cantera, une organisation d’éducation populaire partenaire du CCFD-Terre Solidaire, travaillant auprès de la jeunesse dans des quartiers de Managua, témoignent de la présence de groupes armés, infiltrant, intimidant et menaçant ceux qui se mobilisent.
Les médias officiels développent une rhétorique du « complot étranger » ou nient les violences. L’incertitude autour des manifestants disparus (entre 50 et 200) contribue à crisper une situation déjà tendue. (...)
La population s’indigne des cas de torture et des « assassinats » commis par la police. Elle demande aussi des comptes sur le modèle autoritaire de gouvernance, le modèle prédateur de développement, l’appropriation des ressources de la nation par un clan et les libertés prises avec l’Etat de droit pour son maintien au pouvoir.
La responsabilité du gouvernement est clairement engagée. (...)