
Le 27 janvier 2014, le gouvernement du président mexicain Enrique Peña Nieto a décidé de légaliser les milices d’autodéfense dans l’Etat du Michoacán, situé sur la côte Pacifique, pavant ainsi la voie au surarmement militaire et civil d’une zone d’ores et déjà quadrillée.
Enlèvements, séquestrations, racket, assassinats, campagnes d’intimidation... Le sentiment de toute-puissance des Chevaliers Templiers, cartel issu en 2011 de la « famille du Michoacán », a conduit la population à s’organiser en milices, fortes d’un total estimé à vingt mille hommes en 2014. La région, dite « Tierra caliente », fait l’objet d’une surenchère guerrière, avec un chiffre officiel de neuf cent soixante et un homicides en 2013.
Alors que la « guerre contre la drogue » de l’ancien président Felipe Calderón s’est soldée par un bilan de plus de cent vingt mille morts entre 2006 et 2012, le nouveau gouvernement de M. Enrique Peña Nieto se voit confronté à l’organisation de citoyens en « milices d’autodéfenses » qui ont pris l’initiative d’assurer la sécurité du territoire et de leurs familles. En janvier 2014, ces hommes en armes étaient présents dans vingt-huit municipalités sur cent treize et couvraient un sixième du territoire de l’Etat du Michoacán, selon l’Institut national de statistiques et de géographie au Mexique (Inegi) (1).
En mai 2013, le gouvernement a dépêché cinq mille militaires et policiers fédéraux dans la zone afin de contraindre ces civils au désarmement. Suggérant une alliance objective entre les cartels et l’Etat, l’opération conduit à déligitimer un peu plus le pouvoir de Mexico aux yeux d’une population favorable aux groupes d’autodéfense. Depuis un an, les milices ont en effet repris le contrôle de plus de cent villages de la région, hier aux mains des narcotrafiquants. (...)
Les Chevaliers Templiers, que l’un de leurs principaux chefs, dit « La Tuta », considère à la fois comme une « confrérie » et une « entreprise », ont fait une entrée remarquée dans le jeu de la concurrence… avec leurs propres lois du marché. Dès 2010, « la police arrêtait quarante personnes accusées de monter un réseau minier illégal, principalement dans des zones où Arcelor Mittal détenait des droits exclusifs (7) ». Toutes appartenaient à la « famille du Michoacan ». En avril 2013, un cadre de la multinationale, Virgilio Camacho, était retrouvé mort, une balle dans la tête...
Dans une vaine tentative de reprendre le contrôle, le gouvernement avait donné jusqu’au 10 mai 2014 aux miliciens pour rejoindre les « milices rurales ». Beaucoup s’y sont refusés. Selon l’un des chefs dissidents, désormais en prison, M. Jose Manuel Mireles, plusieurs cellules d’autodéfense seraient même déjà créées dans seize Etats du Mexique, le regard braqué sur l’expérience du Michoacán.