
Les Maliens sont descendus par milliers sur la place de l’indépendance au centre de Bamako, ce vendredi 5 juin. Au son des sifflets, des vuvuzelas et d’une fanfare, les manifestants ont repris en chœur les slogans scandés par un speaker perché sur une estrade : « IBK démission ! IBK dégage ! ».
Cette injonction, adressée au président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a été formulée à l’initiative d’une nouvelle coalition qui regroupe un large pan de l’opposition politique du pays, de l’influent imam Mahmoud Dicko et son mouvement religieux le CMAS, au militant anticorruption Clément Dembélé porté par le mouvement de la société civile Espoir Mali Koura (EMK), en passant par le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD). (...)
Dans la déclaration finale de ce « rassemblement des forces patriotiques du Mali », les organisateurs reprochent au chef de l’Etat, au pouvoir depuis 2013 et réélu pour un second mandat en 2018, une « gouvernance chaotique » qui menace de « précipiter notre pays dans l’impasse ». Le cahier des doléances est épais et couvre presque tout le champ du pouvoir régalien : « gestion catastrophique de la crise multidimensionnelle au Mali ; atteinte à l’intégrité du territoire ; détérioration sans précédent des services sociaux ; paupérisation croissante des populations laborieuses ; gabegie financière ; corruption… ».
« Personne n’a reçu de masque »
Dans la foule, les pancartes visibles reprennent certaines de ces critiques et en ajoutent d’autres, exigeant « la libération de tous les prisonniers politiques », « plus d’argent pour l’éducation » ou « la fin du coronavirus ». « Il gère le pays avec son fils, sa femme et son clan, tonne Madi Diarra, le pas rapide et le t-shirt ample. Le problème, c’est que cette caste ne connaît pas les réalités du pays, ils ne subissent pas la crise comme nous. » (...)
En milieu d’après-midi, on comptait environ 20 000 manifestants dont presque aucun ne portait de masque, malgré la pandémie de Covid-19 qui a contaminé 1 461 personnes et en a tué 85 dans le pays. « On ne devrait pas être là, parce qu’il y a le corona, lance Diawara Issaka. Le président avait promis un masque à chaque Malien mais personne ici n’en a reçu, c’est un menteur. Donc on vient ici pour contester ce mensonge comme tous les autres. » Un petit groupe se forme autour de lui, acquiesçant : « On en a marre. Nous, chefs de famille, ça fait trois mois qu’on n’a pas de salaire. » (...)
« Cette manifestation est un droit constitutionnel, appuie Clément Dembélé. Il faut montrer au régime l’exaspération du peuple malien. L’insécurité a doublé, il y a des combats quotidiens au nord et dans le centre, plus de 250 milliards sont détournés par la corruption, il n’y a plus d’opportunité de travail et cela pousse les Maliens à émigrer. Nous ne pouvons plus attendre 2023 et la fin du mandat du président, il doit partir maintenant. » (...)