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Au Japon, une loi liberticide est imposée par le gouvernement nucléariste
Article mis en ligne le 18 décembre 2013

Après le vote à la Chambre basse le 26 novembre dernier d’un projet de loi relatif à "la protection des secrets d’Etat", le gouvernement du Premier ministre Abe vient de le faire voter à la Chambre des conseillers (la Chambre haute). La dangerosité de cette loi liberticide et la manière anti-démocratique dont le gouvernement en a forcé l’adoption, ont accéléré la mobilisation : un nombre croissant de citoyens opposés à la loi s’est rassemblé devant la Diète jusqu’à atteindre plusieurs dizaines de milliers dans la nuit du 6 décembre, au moment de l’adoption.

Une atteinte majeure au droit à l’information ainsi qu’à la liberté d’expression

 Elle va autoriser les administrations à classer "secret d’Etat" toute information jugée sensible et relative à la sécurité nationale, à la diplomatie, au contre-espionnage et à la lutte contre le terrorisme. Or, la définition du "secret" est si vague que cette loi pourra permettre tous les abus et renforcer la culture du secret du gouvernement japonais et des administrations déjà bien ancrée, et cela d’autant plus qu’aucun organe de contrôle indépendant n’est prévu.

Les administrations auront par ailleurs le droit de détruire les documents "secrets" avant la fin du délai légal de non-publication fixé à 30 ans (et même à 60 ans et au-delà, pour certaines informations, avec l’accord du gouvernement).

 La loi constituera aussi un moyen puissant d’entraver l’accès à l’information des citoyens car elle permettra d’engager à leur encontre des poursuites et de les condamner jusqu’à dix ans d’emprisonnement et jusqu’à dix millions de yens d’amende (environ 70 000€). Cela concerne non seulement ceux qui auront divulgué une information dans les administrations, les Forces japonaises d’autodéfense et les organismes privés mandatés dans le secteur "sensible" (ce qui rendra de fait impossible l’existence des lanceurs d’alerte), mais aussi les journalistes, les citoyens et même les élus qui chercheraient ou inciteraient à chercher une information jugée "secrète".

Par ailleurs, la personne soupçonnée de crime d’après la loi ne bénéficiera pas d’un procès équitable, puisque son avocat n’aura pas accès aux éléments justifiant l’inculpation (il risquerait alors, lui-même, d’être inculpé pour violation du secret) et que le juge ne pourra pas interroger librement les témoins (ils risqueraient également le même traitement). Ce genre de situation s’est d’ailleurs déjà produit en 2002-2005 pour un diplomate qui s’occupait d’affaires "secrètes".

 Elle permettra également de criminaliser toute activité et opinion exprimées à l’encontre des autorités, puisqu’est qualifiée de terrorisme (...)

D’abord pris de court, le réveil des citoyens a été tardif, puis à la mesure de ce qui se dévoilait du contenu de la loi, c’est une opposition de plus en plus forte qui s’est exprimée, témoignant de l’inquiétude ressentie devant une telle menace pour la démocratie. L’ampleur de cette mobilisation citoyenne a été sans précédent au Japon : l’audition publique sur internet a accueilli pas moins de 90 480 commentaires en quinze jours dont 77% opposés au projet de loi.

De nombreux citoyens, des syndicats et des associations professionnelles ont alors publié une déclaration commune contre ce projet, signée par des avocats, des journalistes de la presse écrite et de la télévision, des universitaires, des scientifiques, des religieux, des personnalités de cinéma, des écrivains, des musiciens et divers artistes...

On a pu lire des positions critiques envers la loi et les procédés du gouvernement, non seulement dans la majorité de la presse régionale mais même dans les grands quotidiens nationaux (à l’exception de Yomiuri et de Sankei, les deux principaux journaux de droite). Comme à l’été 2012, contre le redémarrage de la centrale nucléaire d’Ooi, les rassemblements se sont multipliés dans tout le Japon entraînant une baisse notable de la popularité du Premier ministre.

Pour ces Japonais traités de terroristes par un secrétaire exécutif du parti d’Abe parce qu’ils se rassemblaient par dizaines de milliers devant le Parlement afin d’y exprimer leur colère et leur indignation, comme pour tous ceux qui ont protesté contre cette loi, cela aura peut-être été un baptême du feu, le début d’un engagement citoyen pour la démocratie et contre la dérive anti-démocratique du gouvernement Abe.

Une manifestation d’opposants à la loi a déjà eu lieu le samedi 7 décembre à Tokyo. Le Comité d’exécution "STOP à la loi de protection des secrets d’Etat", regroupant plus de 75 associations, organisations et syndicats, déclare vouloir lutter jusqu’à son abolition. (...)

L’affirmation d’une solidarité internationale envers les citoyens japonais qui luttent pour l’abolition de cette loi scélérate est un devoir nécessaire. Il devient urgent de dénoncer la dérive liberticide du gouvernement Abe qui est indigne d’un pays prétendument "démocratique".

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