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« Arrêtez le processus d’indépendance sinon il y aura du sang » : l’État espagnol est-il prêt à tout en Catalogne ?
Article mis en ligne le 21 décembre 2017
dernière modification le 20 décembre 2017

Intimidations des dirigeants catalans, inculpations pour sédition et rébellion qui peuvent valoir 30 ans de prison, censures contre des titres de presse, enseignants et élus poursuivis pour avoir organisé des débats… Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy semble prêt à tout pour museler les indépendantistes catalans. Le regain de menaces et de violences perpétrées par l’extrême-droite nationaliste ravive aussi le souvenir de 1936. Les élections du 21 décembre en Catalogne permettront-elles de mettre fin à ce cycle lourd de dangers ?

Malgré la répression policière violente du référendum du 1er octobre que le gouvernement de Mariano Rajoy n’a eu de cesse de minimiser, la mobilisation citoyenne pour défendre la jeune république auto-proclamée n’a pas fléchi. Au contraire, la réponse autoritaire de l’État espagnol a poussé les gens à rester mobilisés, à se rencontrer, à parler, à échanger, à imaginer les actions à engager, à rêver l’avenir, les possibles et les lendemains qui chantent. Fin octobre, à l’assemblée ouverte du Comité de défense de la République (CDR) de Vallcarca, un quartier de Barcelone où la pression touristique pousse dehors les classes populaires, une femme d’une cinquantaine d’années est venue pour la première fois : « Je ne suis d’aucun parti, je ne suis membre d’aucune association ou organisation. Mais j’ai besoin de parler, d’échanger, d’écouter l’analyse des autres et puis de voir ce que l’on peut faire. Avec tout ce qu’il se passe, c’est impossible de rester chez soi et de vivre normalement comme si de rien n’était… »

Ce soir-là, quelques jours après l’emprisonnement de Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, les présidents des deux grandes associations culturelles catalanes, poursuivis pour sédition par la justice espagnole, le CDR décide de bloquer l’avenue voisine chaque lundi soir, de coller des affiches réclamant la libération des “Jordis” et désigne deux représentants pour aller à l’assemblée des comités de défense de la République de Barcelone.

Des comités de défense de la République sous surveillance

Une dizaine de jours plus tard, le 8 novembre, la mobilisation a pris plus d’ampleur pour protester contre l’emprisonnement d’une partie du gouvernement et l’exil en Belgique de Carles Puigdemont et des autres “ministres” catalans. Les CDR ont paralysé la Catalogne, bloquant les autoroutes, les accès à Barcelone et aux grandes villes, toutes les frontières avec la France et les voies ferrées des trains à grande vitesse. Dans certains endroits, le blocus aura duré plus de 24 heures. Cette démonstration de la puissance mobilisatrice des CDR inquiète Madrid et la police nationale commence à tenter d’identifier des leaders.

Au sein du CDR Catalogne, qui a pour vocation de faciliter la communication entre les différents comités, on s’inquiète de cette surveillance rapprochée (...)

plusieurs déclarations très officielles sont inquiétantes : celles de la ministre de la Défense qui a menacé plusieurs fois « d’utiliser tous les moyens » ; celles du porte-parole du Parti populaire, Pablo Casado, menaçant Carles Puigdemont de « finir comme Companys » (ancien président de la Généralité pendant la guerre civile, livré par Vichy à Franco qui le fit fusiller), ou encore celles du Roi ou de l’Armée elle-même avant et juste après le référendum. (...)

30 ans de prison pour sédition et rébellion
Au-delà de la violence policière et militaire, la réponse de l’État face au « défi » catalan s’est aussi traduite par une pression judiciaire qui s’exerce aveuglément. L’emprisonnement des membres du gouvernement catalan est la plus symbolique : le chef d’accusation de sédition et rébellion peut leur valoir 30 ans de prison, soit la peine la plus lourde de l’arsenal juridique espagnol. C’est toute la société civile qui est sous les radars de la police et du ministre de l’Intérieur qui a même incité à la délation (...)

« La seule chose qui peut les freiner, c’est la pression internationale »
Pour Sonia Farré, députée au Parlement espagnol affiliée à Podemos et membre de la formation politique des « Comuns », « le Parti populaire et les élites économiques du pays ont été humiliés le 1er octobre. Il y avait un vrai désir de vengeance brutal. On ne peut pas écarter qu’il y ait encore plus de répression. Oseront-ils ? La seule chose qui peut les freiner, c’est la pression internationale. » Le regain d’autoritarisme du gouvernement de Mariano Rajoy semble ne pas se vouloir se limiter à la Catalogne. Empêtré dans les affaires de corruption, le Parti populaire a déjà menacé d’appliquer le même article 155 à d’autres communautés autonomes comme le Pays Basque, la Navarre ou Castille la Manche, toutes dirigés par des coalitions hostiles aux conservateurs du PP.

Par ailleurs, la violence des attaques contre l’indépendantisme catalan a libéré la parole et les actions de l’extrême-droite espagnole. (...)

« Les grandes télévisions espagnoles alimentent l’ultra-nationalisme » (...)

Une centaine d’attaques contre la liberté d’information recensée

Par ailleurs, les rumeurs et les fausses informations d’agressions contre des non indépendantistes courent sur les réseaux sociaux à la vitesse 2.0. La crainte est forte de voir le pouvoir central s’emparer de n’importe quel prétexte pour étendre et renforcer son emprise sur la région. Témoins aussi de cette atmosphère, la centaine d’attaques à la liberté d’information et d’expression recensées par l’Observatoire critique des médias, Media.cat (...)

A l’heure où partout en Europe l’essor des mouvements fascistes et néo-nazis inquiète de plus en plus, la situation en Espagne devrait attirer l’attention. Le risque de pourrissement de la situation est bien réel avec les tensions et frustrations qui pourront en découler. L’Europe devrait se souvenir que fermer les yeux sur ce qui se joue en Espagne lui a rarement été profitable.