
Contre toute attente, des acteurs du secteur privé ont récemment pris des décisions sans précédent en faveur de la protection de l’Arctique. Malheureusement, au niveau des États, la création d’un cadre juridique visant à préserver cette région n’avance pas au même rythme. Analyse des signaux contradictoires en provenance du Grand Nord.
Shell se retire de l’Arctique canadien et américain
Début juin, Shell a renoncé à ses permis d’exploration dans l’Arctique canadien, en mer de Baffin. La compagnie pétrolière a cédé ses droits, couvrant au total une zone de 8 625 km2, à un organisme de protection de l’environnement (Conservation de la nature Canada), en vue de la création d’un parc naturel marin.
La compagnie anglo-néerlandaise avait déjà renoncé l’an dernier, avec pertes et fracas, à ses projets de forage dans les eaux arctiques de l’Alaska et de la Norvège. En mai dernier, elle a abandonné ses droits sur ses concessions en Alaska, ne conservant qu’un seul permis dans la zone. La compagnie espagnole Repsol a également renoncé à ses 93 concessions au large de l’Alaska. Ainsi, Shell est la seule compagnie pétrolière à détenir encore un permis dans les eaux arctiques de l’Alaska.
La baisse du prix du pétrole, les risques inconsidérés que représentent les forages dans les eaux glacées, l’impossibilité d’y nettoyer une marée noire, les explorations infructueuses mais aussi l’opposition croissante des citoyens sont autant de facteurs qui ont fait déchanter les promoteurs d’un Arctique pétrolier.
Ces raisons avaient déjà fait renoncer d’autres compagnies pétrolières à exploiter les ressources de l’Arctique, au premier rang desquelles Total. Cependant, le groupe français est le premier client du pétrole arctique russe produit par Gazprom. Derrière ses beaux discours, Total inonde donc le marché européen d’un pétrole particulièrement sale, provenant notamment de la plateforme controversée Prirazlomnaya.
Engagement historique des industriels des produits de la mer (...)
Dans une déclaration commune, des géants de la restauration (McDonalds, Iglo…), des enseignes de la grande distribution (dont Tesco, n° 1 britannique), ainsi que la plus grande entreprise européenne de transformation de poisson surgelé (Espersen) se sont engagés à ne pas se fournir en cabillaud en provenance de ces zones. Cette déclaration rassemble aussi les associations des flottes de pêche russe et norvégienne, les deux plus importantes flottes de la région.
Il s’agit d’une initiative inédite : des industriels d’un bout à l’autre de la chaîne se sont auto-imposés des limites. Cette démarche va donc dans le bon sens, mais elle pallie surtout l’inaction des gouvernements concernés. (...)
Nécessité urgente d’une protection juridique
Si quelques pas dans la bonne direction ont été faits par le secteur privé, la région arctique est encore loin d’être sauvée. Il demeure plus que jamais nécessaire d’établir un cadre juridique « officiel » pour sa protection. La région arctique ne doit pas être perçue comme une nouvelle zone d’exploitation sauvage, ouverte par la fonte de la banquise, mais comme un patrimoine mondial qu’il faut préserver. C’est pourquoi la campagne « Save the Arctic » de Greenpeace se poursuit. (...)