
Après des décennies à alerter, une équipe de scientifiques vient d’estimer que l’Arctique pourrait être privé de glace de mer (banquise) en été dès les années 2030. “C’est environ une décennie plus tôt que les récentes projections du Giec”, souligne Seung-Ki Min, co-auteur de l’article. Cela serait même le cas dans un scénario de faibles émissions de gaz à effet de serre.
Que dit cette nouvelle étude sur l’Arctique ?
Nous savons que la superficie de la glace de mer arctique diminue depuis des décennies, avec un déclin plus marqué depuis 2000. En revanche, avec des données d’observation sur la période 1979-2019 pour effectuer de nouvelles simulations, l’équipe de scientifiques indique que le premier mois de septembre sans glace de mer interviendra dès les années 2030-2050, quels que soient les scénarios d’émissions. (...)
Fait important, et qui ne fera pas plaisir aux climatosceptiques déchainés sur les réseaux sociaux depuis l’annonce : ce sont bel et bien les activités humaines et les gaz à effet de serre qui sont très majoritairement responsables. Les aérosols, les activités solaire et volcanique ont une contribution bien plus marginale. (...)
Pourquoi septembre est-il un mois référence ? La glace de mer arctique atteint sa superficie minimum annuelle à la fin de l’été, en septembre, comme le montrait le rapport du GIEC en 2021. Par ailleurs, en 2021 (donc après la parution du 1er volet du dernier rapport du GIEC), la glace de mer en Arctique était à son deuxième niveau le plus bas jamais enregistré.Pourquoi septembre est-il un mois référence ? La glace de mer arctique atteint sa superficie minimum annuelle à la fin de l’été, en septembre, comme le montrait le rapport du GIEC en 2021. Par ailleurs, en 2021 (donc après la parution du 1er volet du dernier rapport du GIEC), la glace de mer en Arctique était à son deuxième niveau le plus bas jamais enregistré. (...)
Il est important de comprendre que “la première année sans glace de mer ne sera pas forcément un point de non-retour”, souligne l’océanographe et climatologue Jean-Baptiste Sallée, co-auteur du dernier rapport du GIEC, dans le Figaro. : « Il faut bien faire la distinction entre un évènement ponctuel et un été sans glace qui se répèterait sur plusieurs années et serait considéré comme une “réponse au changement climatique”. Quand des étés sans glace seront la norme, alors nous aurons atteint un point de non-retour, ou presque, la seule façon de revenir en arrière étant de réduire la température globale”.
La glace de mer en Arctique est-elle un point de bascule ?
Il est possible que la communication soit un peu confuse sur le terme de “point de bascule”, ou tipping point en anglais. Certaines personnes ont communiqué sur le fait que ce soit un tipping point, d’autres non, et il est important de bien définir le terme.
Qu’est-ce qu’un point de bascule ? (...)
Notons que ces points de bascule peuvent être soit provoqués par des fluctuations naturelles du climat, soit par un forçage externe, tel que le réchauffement climatique. Ces points de bascule, dont l’avènement est plausible dans les un à deux siècles à venir (voire avant) avec les émissions anthropiques, sont susceptibles d’entrainer une trajectoire irréversible. Il faudrait alors des siècles, voire des millénaires, pour revenir à la situation initiale.
Quels sont les différents points de bascule ? (...)
le GIEC indique dans son dernier rapport que la perte de la glace de mer en Arctique en été n’est pas un point de bascule (confiance haute, page 5 du chap 9). C’est également ce qu’avait retenu McKay & al. dans leur étude publiée en septembre 2022, où le point de bascule de la glace de mer en Arctique avait été écarté.
C’est également ce que confirme Jean-Baptiste Sallée : avec la définition du GIEC, ce n’est pas un point de bascule puisque si nous réduisons le réchauffement, la glace revient. Sur le plan physique, c’est très clair. Si certaines personnes considèrent que c’est un point de bascule, c’est probablement parce que le réchauffement climatique n’est pas prêt de s’arrêter et que les promesses des gouvernements nous emmènent vers un monde à bien plus de +2°C de réchauffement mondial (potentiellement +4°C en France) et comme les promesses n’engagent que celles et ceux qui les croient… (...)
Quelles conséquences possibles avec des étés sans glace de mer en Arctique ?
Sans aucune hésitation, la conséquence la plus importante sera l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes que nous connaissons actuellement, tels que les vagues de chaleur, les incendies de forêt et les inondations, a déclaré Seung-Ki Min, qui a dirigé l’étude. “Nous devons réduire les émissions de CO2 de manière plus ambitieuse et nous préparer à nous adapter à ce réchauffement plus rapide de l’Arctique et à ses répercussions sur la société humaine et les écosystèmes“.
Le phénomène va également accélérer le réchauffement arctique, ce qui peut “augmenter les événements météorologiques extrêmes aux latitudes moyennes, comme les canicules et les feux de forêts. Cela peut aussi accélérer le réchauffement mondial, en faisant dégeler le permafrost, ainsi que la montée du niveau des océans en faisant fondre la calotte glaciaire du Groenland” (...)
Les conséquences vont bien au-delà de l’Arctique (...)
- Cette calotte glaciaire contient assez de glace pour augmenter le niveau des océans de six à sept mètres (...)
- L’érosion des côtes en Arctique qui sera plus importante : la banquise protège les côtes de l’action érosive des vagues partout en Arctique.
- Plus de brouillard dans l’Arctique.
- De nouvelles routes de navigation, avec toutes les implications géopolitiques que cela implique.
- Une menace pour la biodiversité marine, avec des écosystèmes menacés, qui servent de lieu de pêche et de chasse pour les communautés inuites de la régions.
- Le déclin de la glace de mer dans les mers de Barents et de Kara pourrait à lui seul expliquer jusqu’à un tiers du réchauffement hivernal sur le plateau tibétain.
Enfin, l’auteur principal de l’étude rappelle en outre que la banquise « est un moteur de la circulation océanique globale » : sa disparition l’espace d’un ou plusieurs mois pourrait aussi avoir des conséquences aujourd’hui difficiles à évaluer.
Il est trop tard pour sauver la glace de mer d’été en Arctique (...)
Si le catastrophisme est à combattre parce qu’il peut mener à l’inaction, cette nouvelle étude devrait être l’évènement le plus médiatisé de l’année, compte tenu des conséquences gravissimes que cela aura pour l’humanité. Notons au passage que l’Arctique n’est pas le seul à souffrir, puisque l’Antarctique est également en très mauvaise posture. (...)
Aucun gouvernement dans le monde n’a un plan pour respecter l’Accord de Paris et nous avons même Emmanuel Macron qui se permet des déclarations comme “qui aurait pu prédire la crise climatique“. Si le GIEC rappelle que nous avons notre avenir climatique entre nos mains, il est urgent que nos dirigeants prennent leurs responsabilités et organisent une baisse drastique et rapide de la consommation d’énergies fossiles.
C’est une question de vie ou de mort pour des millions de personnes à court terme et les promesses n’ont aucun effet sur le réchauffement climatique : seuls les actes comptent.