
L’affaire des soupçons de falsifications d’Areva s’arrête-t-elle à une simple histoire de documents ? Le 3 mai dernier, l’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) a annoncé qu’Areva l’avait informée « d’irrégularités concernant des composants fabriqués dans son usine de Creusot Forge ». Les problèmes concernent les documents relatifs à la qualité de nombreuses pièces fabriquées sur le site
((...) Comment les irrégularités ont-elles été découvertes ?
Les anomalies mises en évidence fin 2014 sur la cuve de l’EPR de Flamanville suite aux demandes de l’ASN avaient soulevé les premières questions sur le contrôle de la qualité. L’audit d’abord mené par Areva sur les fabrications depuis 2010 a été jugé trop limité et superficiel par l’ASN, qui a donc demandé un audit poussé remontant à 2004, période de fabrication des premières pièces de l’EPR. Areva, qui est propriétaire de l’usine depuis 2006, a alors décidé de revoir les dossiers de l’ensemble des pièces fabriquées depuis le début de fonctionnement du site, en 1965.
Premiers constats
Or, au moins 400 des 10 000 documents de contrôle réexaminés par Areva comportent des défauts. (...)
Explication vraisemblable : des valeurs non conformes aux exigences réglementaires de sûreté ont ainsi pu être masquées.
Pourtant l’extrême robustesse de ces équipements est primordiale, car l’assurance qu’ils ont le plus haut niveau de performance mécanique est exigée pour une sûreté maximum. (...)
Une rupture irréversible de la confiance dans le système de contrôle
Cette fraude, si elle est avérée à cette échelle, remet profondément en cause l’ensemble du système et la confiance qu’on peut avoir dans la sûreté des installations. Il est dans ce contexte d’autant plus choquant d’entendre la ministre en charge de la sûreté nucléaire banaliser les premiers constats, dans la droite ligne de la communication d’EDF et d’Areva.
En effet, dès le 4 mai, la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal affirmait, au micro de RTL : « Je puis vous dire, sans anticiper, puisque j’ai fait le point ce matin avant de venir vous voir, que les premiers résultats sont bons : c’est-à-dire les pièces sont conformes, ce sont les documents qui ont été mal faits ».
EDF a annoncé à son tour le 13 juin que ses vérifications lui permettaient de conclure qu’ïl n’y a « pas de remise en cause de la sûreté ». EDF ne produit pourtant aucun élément nouveau. Son analyse semble basée sur des données complémentaires fournies par Areva. Dans le contexte de doute sur la qualité technique et sur la sincérité des documents d’Areva, cette démarche ne peut en aucun cas être suffisante.
Ces déclarations semblent pour le moins prématurées. En effet, dès lors que des erreurs ont été involontairement ou volontairement introduites dans les documents de fabrication, la qualité réelle des composants ne peut être connue avec certitude et ne peut donc être garantie sans pratiquer des vérifications, voire de nouveaux tests. (...)