
La journaliste exprime, dans une tribune au « Monde », son indignation face aux décisions du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, et de ses ministres extrémistes. Elle redoute que le pays perde sa démocratie et salue le sursaut de la société pour la défendre.
Je suis française. Je suis juive. J’ai à peu près l’âge de l’Etat d’Israël. Et ce qui s’y passe depuis trois mois me bouleverse.
Il y a chez les juifs en diaspora cette double fierté d’appartenir pleinement au pays où ils sont nés et d’éprouver de l’orgueil devant ce qu’a accompli Israël en soixante-quinze ans, ce pays neuf, porteur d’idéal, de justice, de progrès, seule démocratie de la région qui pourrait en remontrer beaucoup à nos vieilles démocraties européennes un peu rouillées.
Je suis aussi journaliste, j’ai interviewé beaucoup de responsables politiques et rendu compte des événements du monde. Et les juifs de la diaspora ont le droit de dire leur inquiétude quand la démocratie est menacée au nom même du judaïsme. Et même si Nétanyahou promet une pause, il faut nous tenir fermement aux côtés de nos amis israéliens. (...)
c’est justement en tant que juifs que les coups portés à Israël nous atteignent, parce qu’ils touchent au sens même qu’a pour nous l’Etat juif ! (...)
J’entends aussi ceux qui pensent qu’on risque d’apporter de l’eau au moulin des antisémites, au moment où l’Europe connaît une remontée de l’antisémitisme. Sans que ce soit bien sûr comparable, cela me rappelle les antistaliniens qui, autrefois, ne voulaient surtout pas parler de ce qui fâchait en URSS pour ne pas fournir des arguments aux affreux Américains. Hypocrisie !
J’ai toujours dit que j’étais pour une solution à deux Etats, tout en revendiquant mes liens indissolubles avec Israël et mon attachement indéfectible à sa sécurité. Mais on doit s’exprimer, car le silence est complice du danger qui continue de guetter Israël.
Depuis bientôt trois mois, j’ai honte et j’ai peur. (...)
J’ai honte de voir le chef du gouvernement israélien prêt à tout pour échapper aux poursuites (...)
La Knesset [le Parlement israélien] a déjà voté une loi qui le rend, lui, quasiment intouchable ; faire taire la Cour suprême serait un forfait de plus. Elle est la seule, dans un pays qui n’a pas de Constitution, à pouvoir s’opposer à un gouvernement dont le pouvoir, autrement, serait sans limites.La Knesset [le Parlement israélien] a déjà voté une loi qui le rend, lui, quasiment intouchable ; faire taire la Cour suprême serait un forfait de plus. Elle est la seule, dans un pays qui n’a pas de Constitution, à pouvoir s’opposer à un gouvernement dont le pouvoir, autrement, serait sans limites.