
Au terme de l’EPUB Summit de Bordeaux, une chose est devenue claire : l’édition, au niveau international, n’est pas sortie de l’auberge. À ce jour, tout a été dit, mais une réalité persiste : non seulement Amazon l’emporte largement sur les ventes de livres numériques, partout dans le monde, mais le consortium qui tente de s’opposer au marchand est totalement écartelé. Un déchirement qui n’ose s’exprimer publiquement, et pourtant...
Pour comprendre le monde du livre numérique, gardons des exemples solides. Les cassettes vidéo : d’un côté, le VHS, de l’autre, le Betamax. Un seul des deux a survécu. Plus proche de nous, l’affrontement sévère entre Blu-ray et HD-DVD. Le premier a enterré le second, pourtant porté par une flopée d’acteurs – dont Microsoft. Si Sony avait perdu le pari du Betamax, il remporta celui du Blu-ray. L’ebook vit la même crise : d’un côté, Amazon et son MOBI changé en format propriétaire, KINDLE, de l’autre, le reste du monde, qui soutient l’EPUB.
Prenons un peu de hauteur : le Kindle vend plus en termes de parts de marché, mais si l’on cumule tous les autres acteurs qui proposent le format EPUB, Kindle est encore loin d’être ridicule. Les chiffres n’existent que dans le secret des maisons d’édition, mais tout le monde s’accorde sur un point : le leader, c’est Amazon. (...)
À l’AFP, Virginie Clayssen, directrice de l’innovation chez Editis, assure : « L’EPUB est un enjeu fondamental pour les éditeurs, qui se sont tous mis d’accord, très tôt, pour avoir un format commun. C’est ce qui nous donne une prise sur l’avenir du livre et donc notre propre avenir. »
Le problème est que l’édition est un secteur commercial, dont la vocation est de gagner de l’argent, de même que n’importe quelle société. Et que pour l’instant, l’argent, c’est Amazon qui le génère sur les ventes numériques. On a beau aimer l’ouverture – ce qui en passant n’est pas obligatoirement vrai dans le secteur du livre – la réalité économique s’impose.
Plus sexy dans ses publicités, plus ergonomique, plus simple d’utilisation, plus intuitif quand on n’y connait rien, le Kindle fut le premier à intégrer un ebookstore dans son appareil, et depuis, les concurrents tentent de combler le retard accumulé. C’est tout de même terrifiant de constater que le grand méchant est en même temps le meilleur des opérateurs du secteur. (...)
c’est précisément ce que l’on appelle le syndrome de Stockholm. L’industrie du livre est amoureuse de son bourreau, Amazon, de ses conditions commerciales implacables, de ses bras de fer incessants, de ses tentatives de contournement de la loi sur le prix unique... La société qui a pris en otage l’industrie a su inspirer un respect, une forme d’empathie, parce que c’est elle qui aujourd’hui fait bouillir la marmite numérique.
Une blague ? Pas le moins du monde (...)
Est-il encore possible de faire quelque chose pour protéger l’identité de l’ensemble de l’industrie ?