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Alors que le gouvernement use ses rotules en...
Article mis en ligne le 4 avril 2016
dernière modification le 31 mars 2016

Alors que le gouvernement use ses rotules en courbettes vers la droite et son arsenal politico-émotionnel, un retour sur les dernières décennies montre que la conversion sécuritaire du PS a déjà soufflé ses vingt bougies. C’est bien connu, pour combattre le FN, il faut s’en inspirer.

Quiz à deux balles. « La sécurité est la première des libertés » : est-ce donc un slogan lepéniste, une fulgurance orwellienne, ou bien une valeur socialiste ?… Les trois, mon brigadier !

C’est que, entre les vieilles affiches de Jean-Marie Le Pen et les sorties martiales de Manuel Valls le 19 novembre dernier [1], l’écart s’est aminci.

Tout commence en fait au tout début des années 1980. Pierre Mauroy joue sagement son rôle d’opposant : alors que la droite vient de voter une loi liberticide comme, à l’époque, elle seule sait faire, le futur Premier ministre socialiste joue de solennité. « Nous inversons la proposition : pour nous, la première sécurité est la liberté. » Un autre socialiste, Gilbert Bonnemaison, maire d’Épinay-sur-Seine, chapeaute quelques années plus tard la « commission des maires sur la sécurité » chargée de réfléchir au sujet. Ses bouquins ne disent pas que des bêtises : « Le discours politique de l’insécurité est celui pour lequel le maintien de l’ordre économique et social est une fin en soi qui justifie tous les contrôles. » Le style est un peu lourd, mais c’est pas faux.

La Goutte-d’or et la goutte d’eau

Le hic, c’est que tous les élus socialistes ne cogitent pas ainsi. À la même période, Lionel Jospin fréquente le quartier de la Goutte-d’Or à Paris. Celui qui est à la fois conseiller du XVIIIe arrondissement et député du coin a un petit souci : quelques îlots d’immeubles – plutôt « white » et « blancos », comme dira plus tard un de ses disciples – préfèrent le Front national à la gauche. Peu à peu, à mesure que le FN assoit ses scores électoraux et que les ouvriers désertent le vote PS, Jospin élabore une théorie sophistiquée. « L’angélisme », voilà l’ennemi : pour rassurer le peuple, il faut installer la bleusaille dans les quartiers. Au congrès de Liévin, le futur Premier ministre convoque un vocabulaire inhabituel dans un texte passé inaperçu à l’époque : « La sûreté est la première des libertés », et la pauvreté « ne saurait être présentée comme une excuse aux comportements individuels ». On est en 1994, et Jospin vient d’écrire ce qui deviendra la feuille de route des socialistes pour les deux décennies à venir. (...)