Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Réseau "sortir du nucléaire"
Allemagne : non, la sortie du nucléaire n’encourage pas le recours au charbon
Article mis en ligne le 7 avril 2015
dernière modification le 1er avril 2015

Les critiques des énergies renouvelables n’ont eu de cesse de railler l’Energiewende – la transition énergétique allemande –, prétendant qu’elle avait conduit à une augmentation de la consommation de charbon dans les centrales et, en conséquence, des rejets de CO2. Cependant, Conrad Kunze [1] et Paul Lehmann [2], du centre de recherche environnementale de Helmholtz (UFZ) en Allemagne montrent qu’il s’agit d’un mythe.

La production allemande de charbon et les rejets de CO2 ont augmenté non à cause de la transition énergétique, mais malgré elle. Ces rejets auraient été encore plus élevés si l’Allemagne n’avait pas arrêté ses centrales nucléaires et opté à la place pour une remarquable politique en faveur des énergies renouvelables. "La transition énergétique n’a pas de face sombre."

La transition énergétique allemande a suscité son lot de railleries dans les médias internationaux, et plus particulièrement anglo-saxons et français.

Dernière en date, la navigatrice Maud Fontenoy, "écologiste" auto-déclarée et proche de Sarkozy et de l’UMP, invitée par Michel Drucker sur le plateau de l’émission Vivement Dimanche, a accusé l’Energiewende d’entraîner une "explosion" des émissions de CO2 outre-Rhin, s’attirant jusqu’à la contradiction du climatologue Jean Jouzel, membre du Comité Scientifique de... la Fondation de Maud Fontenoy. [3]

Les médias n’ont eu de cesse d’évoquer les rejets de CO2 en Allemagne, connue pour sa position antinucléaire et son programme de plusieurs milliards d’euros en faveur des énergies renouvelables. Ce programme a d’ailleurs bénéficié d’un soutien financier accru en 2013 (et 2012). Certes, les rejets de l’Allemagne en 2013, bien que largement inférieurs à ceux de 1990 et 2000, ont augmenté de 1,5 % (figure 1). Cette évolution est imputable à l’augmentation de la production d’électricité dans les centrales à charbon (figure 2). (...)

Les renouvelables comblent le vide laissé par le nucléaire

L’argument selon lequel la transition énergétique allemande serait polluante repose sur l’idée que les énergies renouvelables ne seraient pas en mesure de combler le vide laissé par l’abandon du nucléaire. Ce vide doit donc être comblé par le charbon.

Pourtant, si on examine les chiffres, le tableau est bien différent. La ligne jaune de la figure 2 ci-dessus montre la baisse de la production d’électricité d’origine nucléaire entre 2000 et 2014. Suite à l’arrêt des centrales les plus âgées, la part du nucléaire n’a cessé de décliner. Lorsque le gouvernement allemand a décidé en 2011 l’abandon progressif du nucléaire, certaines centrales ont été arrêtées immédiatement et la baisse s’est accentuée. Ensuite, elle a poursuivi son déclin régulièrement.

La ligne verte montre la progression régulière des énergies renouvelables au cours de la même période. En 2011, elles produisaient davantage d’électricité que toutes les centrales nucléaires réunies. En 2014, les renouvelables représentaient 29 % de la production totale d’électricité. Non seulement elles ont ainsi compensé la baisse du nucléaire en production totale annuelle, mais cette tendance est appelée à se poursuivre jusqu’en 2022, lorsque la dernière centrale nucléaire fermera ses portes.

Certes, ces observations doivent être interprétées avec prudence. Compte tenu de l’irrégularité du vent et de l’ensoleillement, la production au moyen des énergies renouvelables ne correspond pas toujours à celle du nucléaire. Même si les renouvelables peuvent compenser la réduction de la production nucléaire sur l’ensemble de l’année, des pénuries peuvent se produire les jours sans vent ou de faible ensoleillement. Ce creux doit donc être comblé par d’autres sources d’énergie.

Toutefois, ces baisses ne sont pas nécessairement compensées par les centrales à charbon ni les centrales nucléaires, qui manquent de souplesse. Les centrales au gaz naturel sont mieux adaptées, car elles peuvent monter en puissance plus rapidement que les centrales à charbon. Elles apparaissent ainsi mieux à même de faire face à une chute soudaine de la production d’origine renouvelable. Comme on le constate, rien ne prouve que le secteur du charbon a pris le dessus lorsque les renouvelables étaient indisponibles. (...)

Du charbon pour l’électricité exportée

Nous savons toutefois que la production à partir du charbon a effectivement augmenté en 2012 et 2013. Pour quelle raison si ce n’était pour compenser les insuffisances des renouvelables ? En fait, il existe une explication toute simple. Avec l’augmentation de la production à partir des énergies renouvelables et du charbon, la production totale de l’Allemagne est passée de 613 à 633 terawatts/heure (TWh) entre 2011 et 2013. Les Allemands consomment-ils dont autant d’énergie ? Non ! En fait, la consommation intérieure a diminué au cours de cette même période ! (...)

Le boom du charbon est mondial, pas allemand

Qu’est-ce qui explique cette prospérité du charbon ? La réalité n’a pas grand-chose à voir avec la transition énergétique allemande. Elle est plutôt liée aux marchés internationaux. En fait, le coût de production d’électricité dans les centrales à charbon ne cesse de baisser depuis plusieurs années. Le prix mondial du charbon a accusé une baisse considérable de plus de 30 % depuis 2011 (voir figure 4). Comme le relève l’Agence internationale de l’énergie dans un rapport récent sur les perspectives à moyen terme du marché du charbon, les prix ont subi les effets d’une offre surabondante, en partie à cause du boom du gaz de schiste aux États-Unis, mais également de l’augmentation de la capacité de production en Asie.

Surtout, le prix du crédit carbone, dont les exploitants de centrales électriques fonctionnant aux énergies fossiles doivent se munir, s’est effondré, passant de 15-17 euros par tonne de CO2 en 2011 à 5-7 euros en 2014.

La double chute du prix du charbon et du crédit carbone a fait de cette source d’énergie un carburant extrêmement rentable pour la production d’électricité. Ce qui est remarquable, c’est que ces deux évolutions se sont produites en 2011, l’année où a été décidé l’arrêt programmé du nucléaire.

Lorsqu’on connaît le grand nombre de centrales à charbon existantes en Allemagne, l’augmentation de leur production et des exportations depuis lors n’a rien de surprenant. À l’évidence, le boom allemand du charbon a été suscité principalement par l’évolution du marché international des carburants et du carbone, mais bien peu, voire pas du tout, par la transition énergétique allemande (...)