
Le 22 février, les Algériens marqueront le premier anniversaire du Hirak, ce mouvement de contestation inédit dans le pays, qui s’est levé contre la candidature à un cinquième mandat du président déchu Abdelaziz Bouteflika. Retour sur ces évènements avec Khaled Drareni, journaliste indépendant et l’une des figures du mouvement.
Depuis près d’un an, les manifestations hebdomadaires, organisées tous les vendredis, continuent d’exiger la fin du "système" et le départ de ses représentants. L’élection d’Abdelmadjid Tebboune, vainqueur de la présidentielle du 12 décembre, lors d’un scrutin imposé par l’armée et boycotté par la majorité des Algériens, et la formation d’un nouveau gouvernement n’ont pas changé la donne.
Les manifestants restent mobilisés et appellent à "une période de transition" devant aboutir à un changement de régime. (...)
Pour dresser le bilan du Hirak, France 24 a interrogé Khaled Drareni, journaliste indépendant, observateur de la première heure de la contestation et l’une des figures du mouvement populaire. (...)
Khaled Drareni : Je regarde ce mouvement avec optimisme, car après un an de mobilisation exceptionnelle, il a montré à quel point le peuple algérien pouvait être solidaire, conscient, pacifique et totalement engagé. Maintenant le plus dur reste à faire, parce que la revendication principale était et reste le départ du système qui gouverne l’Algérie. Or il est loin d’être parti, puisque le système s’est renforcé et s’est même régénéré à travers le président Abdelmadjid Tebboune et son gouvernement. La contestation s’est opposée à un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, mais dans les faits, nous sommes dans un cinquième mandat déguisé, une sorte de quatrième mandat bis, avec Abdelmajid Tebboune, ancien Premier ministre et proche de Bouteflika, et des membres du gouvernement qui, pour beaucoup, sont des figures connues pour être proches du système. (...)
Cela fait un an que le mouvement a commencé, certains diront que cela est très court, d’autres diront que c’est très long, mais ce qui est certain, c’est que l’on ne peut pas faire tomber un vieux système qui a plus de 50 ans en quelques jours, en quelques mois, voire même en quelques années. Le chemin reste encore long, nous avons déjà obtenu beaucoup de choses, mais il reste beaucoup d’autres choses à conquérir. Je pense notamment aux demandes de la population réclamant plus de justice sociale, la garantie des libertés et une démocratie réelle. La liberté d’expression et celle de la presse ont régressé ces derniers temps, ce qui démontre que le chemin est encore long devant nous. (...)
La force de ce mouvement c’est qu’il n’a justement pas de représentant. C’est un avantage mais une faiblesse à la fois. D’autre part, une grande partie des Algériens sont opposés aux partis politiques, parce qu’ils ont vu ce que les partis, qu’ils soient de pouvoir ou d’opposition, ont fait durant ces cinquante dernières années. De mon côté, je pense que le Hirak doit se cristalliser autour de revendications politiques, et avoir une vision de l’avenir. Le 20 février, à Alger, doit se tenir une conférence nationale. Elle réunira non pas des représentants, mais des acteurs du Hirak issus de la société civile, comme des avocats, des journalistes, des militants, des universitaires, qui ont participé au mouvement depuis les premiers jours. Venant de plusieurs régions du pays, ils vont se réunir, non par pour parler au nom du mouvement, mais pour discuter et dire comment ils voient l’avenir. Il faut absolument que cette mobilisation historique, aussi spontanée qu’inattendue, se poursuive de la même manière qu’elle a commencé, c’est-à-dire d’une manière totalement pacifique. Espérons qu’elle puisse réaliser un jour les rêves de tous les Algériens, à savoir ceux d’une Algérie libre et démocratique.