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Algérie : La vengeance du « système »
Article mis en ligne le 25 mai 2020

Depuis le début de l’épidémie, malgré l’interruption des manifestations du Hirak le vendredi, les autorités accentuent les contrôles et les arrestations de journalistes, militants et facebookers.

L ibérez Fahd Nouari, libérez Saeddedine Youcef Islam, libérez Yasser Kadiri, libérez Menad Larbi, libérez Khaled Drareni, libérez Fersaoui Abdelouahab, libérez Walid Kechida. » Le ton est grave : dans une vidéo de soutien d’une dizaine de minutes, des citoyens algériens égrènent face caméra dans différentes langues les noms des détenus d’opinion. Des initiatives comme celle-ci se multiplient sur les réseaux sociaux, une façon de poursuivre la mobilisation malgré le confinement.

Depuis le début du mouvement populaire, des centaines d’Algériens ont été arrêtés et mis sous mandat de dépôt avant d’être condamnés, pour des délits tels que port de l’emblème amazigh (drapeau kabyle), atteinte à l’ordre public, à l’unité nationale, à la personne du président, etc. Lorsqu’ils n’ont pas été arrêtés lors des manifestations hebdomadaires, interrompues depuis le confinement, ils le sont systématiquement après leur convocation au commissariat. (...)

Depuis l’arrivée de la pandémie en Algérie, les arrestations de facebookers pleuvent. La majorité sont de jeunes hommes de 20 à 30 ans qui, comme Yasser Kadiri, ont produit un contenu viral sur les réseaux sociaux, très souvent en arabe dialectal et donc compris de toute la population. Qu’il s’agisse d’un simple montage photographique (« mème »), d’un témoignage ou d’un discours d’opinion, les autorités ne font pas la différence. (...)

« L’État cherche à rompre la dynamique du Hirak avant le déconfinement. Malheureusement pour le système, l’effet inverse se produit, et c’est là que la dimension sociale intervient et renforce le mouvement. Dans les quartiers, des comités informels s’organisent pour venir en aide aux personnes dans le besoin et désinfecter les parties communes. Mais clairement aussi pour remplir une mission de service public que l’État n’accomplit plus depuis bien des années. De Meissonier à Belcourt et de Bachdjarah à Bab El Oued, il y a des familles entières qui se retrouvent aujourd’hui dans une extrême précarité. Car beaucoup d’entre elles vivent de petits boulots payés au jour le jour. »

Justement Sarah, la trentaine à peine, un masque sur le visage, répète aux bénéficiaires de garder leur distance pour leur sécurité et celle de leurs familles. « Au début du confinement, j’ai juste répondu à un appel à l’aide d’une famille, puis je suis passée à dix, puis à deux cents. J’ai demandé de l’aide, des gens sont venus m’assister bénévolement, puis on a fait un appel aux dons, et aujourd’hui on prépare des colis repas pour plus de huit cents personnes. Pour moi, c’est ça, mon Hirak. On est complètement dans l’illégalité, mais là c’est le temps de l’action. » Comme Sarah et Mina, ils sont nombreux à travers toute l’Algérie à avoir transformé leur vendredi de marche en semaine d’action solidaire. Pour eux, la pandémie vient renforcer le Hirak et leur volonté d’un autre monde. (...)