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Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine, Monténégro, Serbie
Article mis en ligne le 27 janvier 2015
dernière modification le 22 janvier 2015

(...) Cinq ans après la crise de 2008-2009, on ne parle plus dans les Balkans occidentaux de « rattrapage ». Le changement de paradigme prévaut dans les discours des institutions comme la BERD (Banque européenne de reconstruction et développement) et il est également perceptible dans la grogne sociale montante. Alors que les tensions entre la Russie et l’Union européenne se sont concentrées autour du projet de gazoduc South Stream, mais semblent aussi intégrer les sanctions contre la Russie, l’« avenir européen » suscite bien des interrogations, en dépit d’avancées formelles des négociations.t

Les négociations européennes : avancées ou nouveaux blocages ?

L’intégration de la Croatie à l’Union européenne en juillet 2013 est présentée comme un encouragement pour les autres Etats des Balkans occidentaux, considérés par la Commission européenne comme des « candidats potentiels ». Seul le Kosovo n’a pas acquis ce statut officiel, car son indépendance, qui date de 2008, n’est pas reconnue par tous les membres de l’Union. Le Conseil européen de juin 2013 a néanmoins autorisé l’ouverture de négociations avec Pristina afin de conclure un Accord de stabilisation et d’association (ASA).

Les autres pays ont franchi la première étape et conclu des ASA, ce qui n’implique pas l’obtention automatique du statut de « candidat officiel », préalable aux négociations finales. A ce jour, tous l’ont acquis sauf la Bosnie-Herzégovine. Certains blocages sont anciens : la Commission européenne estime qu’elle « doit exécuter sans délai l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Sejdic-Finci », afin de rendre universels les droits de citoyenneté sur tout le territoire, même pour les citoyens n’appartenant pas à l’un des trois peuples constituants officiels. « La Bosnie-Herzégovine doit aussi instaurer d’urgence un mécanisme de coordination consacré aux affaires européennes, de sorte que le pays puisse parler d’une même voix au sujet de l’agenda européen », souligne la Commission. Mais la Russie a multiplié ses investissements en Bosnie-Herzégovine et Vladimir Poutine soutient particulièrement le président de la Republika Srpska dans son hostilité à toute atténuation de l’autonomie de l’entité serbe de Bosnie (voir infra). L’ “agenda” européen en est manifestement affecté.

Tous les autres pays sont donc officiellement candidats. (...)

La supervision bancaire instaurée dans l’Union européenne intègre désormais les pays candidats soumis à la surveillance étroite et aux préconisations du Fonds monétaire international, mais aussi à celles du Comité de pilotage (Steering Committee) de l’Initiative de Vienne 2 (IV2) qui regroupe toutes les institutions financières mondiales et européennes depuis 2010. Le 16 janvier 2014, le Comité de pilotage a souligné que les pays du Sud-Est européen non membres de l’UE pourraient à nouveau être menacés par des politiques de désengagement de filiales et la réduction des crédits transfrontaliers. Développer les financements locaux est donc désormais à l’ordre du jour, mais les économies des Balkans restent « périphérisées », sous la pression de normes destructrices des protections sociales, alors même qu’il s’agit d’Etats dont le PIB par habitant, en parité de pouvoir d’achat en 2013, était inférieur à celui des plus pauvres des nouveaux Etats membres (NEM) de l’UE, soit entre 22 % de la moyenne de l’Union (pour le Kosovo) et 42 % (pour le Monténégro).

L’année a été marquée par des déséquilibres économiques et des catastrophes climatiques

Les six pays des Balkans occidentaux connaissent un déficit récurrent et particulièrement important de leurs comptes courants avec l’extérieur. (...)

Les explosions sociales seront-elles sans lendemains ?

Il n’est pas étonnant que monte partout la grogne sociale. Après quelques signes précurseurs, c’est de façon significative à Tuzla, principal centre industriel de Bosnie-Herzégovine, qu’a explosé en février 2014 une colère sans précédent depuis les années 1990 : colère contre des privatisations se traduisant de fait par l’arrêt des productions, des salaires non payés pendant des mois, des pertes de droits sociaux ; colère contre l’incurie des gouvernants, l’enrichissement des hommes politiques, la corruption endémique et le clientélisme sous-jacent aux privatisations. Partant d’usines de la ville de Tuzla les manifestations des travailleurs ont été rejointes par les habitants, notamemnt les jeunes, et se sont tournées contre les gouvernements locaux sourds aux protestations antérieures, en prenant pour cibles les bâtiments publics. En Bosnie, cette colère a fait tâche d’huile dans une dizaine de villes de la Fédération croato-bosniaque, moins dans l’entité serbe, la Republika Srpska (RS). Plusieurs gouvernements locaux ont dû démissionner pendant que se mettaient en place des « plenums de citoyens » à Sarajevo, Tuzla, Mostar et plusieurs autres localités, permettant l’expression d’exigences sociales et démocratiques communes, transcendant les divisions nationalistes et impliquant, pendant des semaines, des milliers de participants. Depuis lors, le mouvement s’est tassé sans qu’émergent des alternatives aux partis politiques discrédités. Il s’est confronté à des difficultés politiques et climatiques, lors des inondations qui ont frappé le pays et la Serbie voisine en mai. Face à l’incurie des pouvoirs publics, un puissant mouvement citoyen a prolongé la mobilisation des plenums, mêlant toutes les nationalités pour lutter contre cette catastrophe. (...)