
Aujourd’hui, lorsqu’on me demande ce que je fais comme métier, j’ai de plus en plus tendance à dire que je suis illustratrice. Ou pilote de chasse. Ou prof. Parce qu’à chaque fois que je réponds “greffière”, la question suivante est : “C’est quoi ?”.
Mine de rien, c’est vexant.
“Je suis étudiante en Droit : scio me nihil scire.”
Il existe un ravin immense entre le Droit et sa pratique.
(...)“Donc tu vas faire juge plus tard ?”
J’ai rencontré durant ma formation des tas de gens surdiplômés. Pas un ne voulait réellement être greffier ; souvent l’on passe le concours pour évoluer ensuite. Mais pas évoluer en tant que greffier ; l’on apprend très vite que nulle évolution n’est possible dans cette profession. (...)
Et pourtant, malgré cela, nous exerçons tous avec passion. Une passion qui est absolue en son sens le plus étymologique : déliée de toute autre considération. On ne peut pas être carriériste lorsqu’on est greffier.
Parce que c’est cela, le métier de greffe : on exerce à fond, ou on n’exerce pas. (...)
Tous les jours, je me dis que je suis là pour ces gens qui ne savent même pas que j’existe. Des gens qui ne savent pas que si mes collègues et moi disparaissions, des détenus seraient libérés, des enquêtes cesseraient, des enfants seraient laissés aux mains de parents irresponsables, des couples qui ne s’entendent plus devraient rester mariés, des avocats ne seraient plus payés[4], et j’en passe. (...)