
Afin de respecter les normes sur le développement des agrocarburants, les Européens se disputent des millions d’hectares de terres africaines pour y faire pousser des plantes destinées à les produire. Au détriment des cultures vivrières
Imaginez la surface de la Suisse – 4 millions d’hectares – entièrement recouverte de plantations destinées à approvisionner des voitures et des centrales électriques. C’est la somme des terres exploitées aujourd’hui en Afrique par les Occidentaux pour la production des agrocarburants. Les Britanniques sont en tête, avec un record de 1,6 millions hectares de terres cultivées, suivis par les Italiens, les Allemands, les Français et les Américains.
Ils ont parié sur les prévisions annoncées en 2004 par le Copernicus Institute d’Amsterdam : si le marché de la bioénergie doit se développer, le continent qui possède la plus grande quantité de terres cultivables à un prix modique en deviendra le premier producteur mondial. Les 807 millions d’hectares de terres vierges du sol africain sont quinze fois plus importants que nécessaire pour satisfaire les besoins en biocarburants des vingt prochaines années. (...)
C’est surtout la législation européenne qui a relancé la demande d’agrocarburants. (...)
Le nombre total d’hectares n’est cependant que la partie émergée de l’iceberg. Il ne tient pas compte, en effet, des projets locaux, ni des vastes concessions obtenues par d’autres pays : la Chine, mais aussi le Brésil et la Malaisie. En tête, en Afrique, en matière de cultures pour les agrocarburants, ces pays s’apprêtent à les exporter dans le Vieux Continent dès que l’augmentation des prix du pétrole et l’abolition des droits de douane de l’UE sur les produits agricoles locaux permettront à leurs produits de devenir hautement compétitifs.
En outre, l’expansion étrangère est encouragée par de nombreux gouvernements africains. Douze d’entre eux ont déjà signé la charte dite de l’“OPEP verte”, une initiative qui défend la production et l’utilisation locale des agrocarburants pour réduire les coûteuses importations de pétrole. L’objectif est de réaliser d’importantes économies pour les réinvestir dans la consolidation de l’agriculture et de l’autosuffisance alimentaire. Mais le programme est menacé par l’absence de politiques publiques efficaces. (...)
Au niveau mondial, la substitution des cultures alimentaires par des plantations énergétiques a contribué à la flambée drastique des prix des denrées alimentaires lors des famines de 2008. Il n’en fallait pas plus pour que les organisations humanitaires tirent à boulets rouges sur l’agroénergie.
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