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Mediapart
Affaire Alexis Kohler : le grand ménage
Article mis en ligne le 16 juin 2022

Dans le cadre d’une nouvelle enquête pour « trafic d’influence » et « prise illégale d’intérêts », la justice a découvert des documents dérangeants pour le secrétaire général de l’Élysée. Non seulement il a été beaucoup plus impliqué qu’on ne l’imaginait dans tous les dossiers concernant de près ou de loin l’armateur MSC, mais des documents ont disparu à certains endroits – mais été retrouvés dans d’autres – afin d’effacer les traces de ses interventions.

Ils savaient par avance que l’affaire serait délicate : perquisitionner le domicile d’Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, numéro deux du pouvoir, est un moment compliqué. Mais ils ne pensaient pas qu’ils rencontreraient autant d’obstacles. Le 6 octobre 2020, quand les membres de la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) se présentent dès 6 heures et demie du matin aux grilles du Quai Branly, une annexe de l’Élysée à Paris, ils se heurtent à un refus net.

Le responsable de l’armée qui assure la sécurité de l’immeuble leur en refuse l’accès, bien que ce dernier ne bénéficie d’aucune protection juridique particulière. La justice a été priée de se soumettre et d’attendre. Il leur faudra patienter plus d’une heure et demie et l’arrivée de l’avocat d’Alexis Kohler, Me Éric Dezeuze, pour qu’ils soient enfin autorisés à entrer. Une heure et demie, cela donne le temps de se préparer.

Cet épisode n’est qu’un des nombreux faits inhabituels qui émaillent l’affaire Kohler. Une affaire hors norme par bien des aspects. Depuis plusieurs années maintenant, une ombre grandissante pèse sur Alexis Kohler. Pendant plus d’une décennie, il n’a pas rendu public le fait qu’il était un proche cousin de la famille Aponte, principal actionnaire de l’armateur Mediterranean Shipping Company (MSC).

Cachant ses liens familiaux, il s’est trouvé à maintes reprises, et à différents postes, en position de mettre les moyens de l’État à disposition du groupe de transport maritime. Ainsi celui-ci a-t-il bénéficié de plus de 3 milliards d’euros de prêts garantis par l’État (c’est-à-dire à des conditions financières ultra-favorables) pour financer la construction de ses paquebots de croisière par les Chantiers de l’Atlantique.

La situation d’Alexis Kohler est impossible selon la loi (...)

En juin 2018, le parquet national financier (PNF) avait ouvert une enquête préliminaire à la suite de la plainte déposée par Anticor pour « prise illégale d’intérêts » et « trafic d’influence » contre le secrétaire général de l’Élysée. Le dossier avait été classé sans suite par le PNF en août 2019, après une intervention directe d’Emmanuel Macron.

Une deuxième plainte avec constitution de partie civile pour « prise illégale d’intérêts », « trafic d’influence » et « défaut de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » a été déposée par Anticor et a donné lieu à l’ouverture d’une enquête judiciaire le 24 juin 2020. C’est dans ce cadre que les juges d’instruction chargés de l’enquête ont ordonné une perquisition au domicile d’Alexis Kohler. (...)

Avec les nouvelles investigations, de nouveaux éléments ont surgi. Peut-être encore plus accablants pour Alexis Kohler. (...)

Car c’est un grand ménage qui a été entrepris pour faire disparaître tous les documents susceptibles d’être compromettants pour Alexis Kohler. Selon nos informations, la Sfil, l’institution financière qui a accordé les crédits à MSC, a lancé cette opération de nettoyage tout de suite après la parution de nos premières révélations. Des procédures identiques semblent avoir été menées au sein des Chantiers de l’Atlantique (ex-STX France) en première ligne. Nombre de documents semblent aussi s’être volatilisés au ministère des finances.

Interrogé pour savoir quelles sont les règles de conservation des documents et des courriels et sur la disparition de certains documents, le secrétariat général du ministère des finances ne nous a pas répondu au moment de la publication de cet article (...)

Car c’est un grand ménage qui a été entrepris pour faire disparaître tous les documents susceptibles d’être compromettants pour Alexis Kohler. Selon nos informations, la Sfil, l’institution financière qui a accordé les crédits à MSC, a lancé cette opération de nettoyage tout de suite après la parution de nos premières révélations. Des procédures identiques semblent avoir été menées au sein des Chantiers de l’Atlantique (ex-STX France) en première ligne. Nombre de documents semblent aussi s’être volatilisés au ministère des finances.

Interrogé pour savoir quelles sont les règles de conservation des documents et des courriels et sur la disparition de certains documents, le secrétariat général du ministère des finances ne nous a pas répondu au moment de la publication de cet article (...)

L’ennui est que ce grand ménage, mené dans la précipitation, sans méthode, a laissé des traces. Des documents disparus chez les uns ont resurgi chez les autres. Des courriels, dont les protagonistes étaient soit expéditeurs soit destinataires, et dans lesquels Alexis Kohler était associé d’une façon ou d’une autre, qui étaient censés ne pas exister chez les uns ont été retrouvés chez les autres, ce qui ne peut que nourrir le soupçon.

Une implication quotidienne chez STX France (...)

les nouvelles investigations ont permis d’exhumer de nouveaux courriels, notamment avec Laurent Castaing. Ils confirment qu’Alexis Kohler est informé de tout ce qui a trait à MSC bien au-delà de ce qui arrive au ministère des finances. Le directeur général de STX France ne manque pas de lui livrer régulièrement tous les rebondissements du dossier. À de nombreuses reprises, il se fait le fidèle porte-parole des positions de MSC, son principal client, qui a le projet d’entrer au capital du chantier naval aux côtés de son concurrent Royal Caribbean, de l’opposition de MSC à voir entrer l’italien Fincantieri au capital. (...)