
En 1761, des esclaves malgaches ont été abandonnés par leurs geôliers français sur un îlot de sable de l’océan Indien après un naufrage. Pendant quinze ans, ils sont parvenus à survivre dans des conditions extrêmes. Une exposition à Bordeaux leur rend hommage.
Pendant des décennies, il n’y eut guère que les « météo » en poste à Tromelin, non loin de Madagascar dans l’Océan indien, pour évoquer de temps à autre cette vieille histoire aussi abominable que mystérieuse, dont les grandes lignes n’étaient connues que des seuls initiés.
Une nuit de l’été 1761, l’Utile, un vaisseau de la Compagnie française des Indes orientales se fracassa sur le récif corallien qui entoure l’île. Il avait à son bord une cargaison de 160 esclaves malgaches achetés illégalement par le capitaine, Jean de La Fargue, qui avait pu compter sur la complicité de ses officiers et de l’administration coloniale française. Enfermés dans la cale, dont les issues étaient clouées chaque soir par l’équipage par crainte d’une révolte, la plupart des esclaves périrent dans le naufrage. Ce n’est que lorsque la coque du bateau finit par se disloquer quelques heures plus tard que les derniers survivants purent s’échapper et gagner à la nage l’étendue de sable toute proche.
Dans les jours qui suivirent le naufrage, l’équipage du navire, composé de marins français qui avaient embarqué à Bayonne un an plus tôt, s’attela à la construction d’une embarcation de fortune à partir des restes de l’épave. Au fur et à mesure du chantier, il apparut que les dimensions du futur bateau, baptisé La Providence, ne permettraient pas de transporter tous les naufragés. Seuls les Français s’arrogèrent donc le droit de reprendre la mer, laissant les Malgaches sur l’île avec la promesse de revenir les chercher. Une promesse en l’air. (...)
Le seul récit connu à ce jour est une longue lettre qui décrit sommairement le quotidien des naufragés de Tromelin sur la base des témoignages recueillis auprès des survivantes (...)
L’analyse des restes de faune consommée présents dans la couche archéologique a permis de corroborer le témoignage des dernières survivantes. Et les nombreux objets qui ont été exhumés, vestiges de la vie quotidienne des naufragés, racontent en creux l’ingéniosité qu’ils ont déployé pour s’adapter à cet environnement hostile, aux ressources limitées. (...)
Toutes ces découvertes archéologiques de l’île sont exposées au Musée d’Aquitaine, à Bordeaux, qui accueille jusqu’au 30 avril 2017 l’exposition itinérante Tromelin, l’île des esclaves oubliés.