
(...) Du livre-trésor au livre ouvert
Jusqu’au Xe siècle environ, l’Occident chrétien a peu lu. Aujourd’hui on ne considère plus que le Haut Moyen Âge était une période d’analphabétisme crasse. Pourtant le fait demeure : alors que l’Empire romain avait des bibliothèques publiques, une littérature de divertissement, (même quelques livres dévolus au public féminin), après la fin de l’Empire, les livres dépassent rarement les cercles religieux ou princiers.
Cette situation est due au statut particulier des manuscrits : les livres valent cher – leur reliure est précieuse et ils ont été copiés par des moines. Ce sont des objets de prestige, revêtus d’une grande sacralité. On les garde parfois dans des chambres au trésor, et on ne les donne que pour transmettre des richesses : pour la reliure, les miniatures, les parchemins, plus que pour le texte.
À partir des XIe et XIIe siècles, la donne va changer. On lit plus, et on lit différemment. Par exemple, on peut envisager de lire juste une section d’un livre. Alors qu’auparavant les livres étaient longuement médités : la règle des Bénédictins prévoyait par exemple que chaque moine reçoive seulement un livre chaque année. Autour du XIe siècle, des pratiques de lecture qui restaient encore rares vont se généraliser, comme la lecture silencieuse : sans murmurer les mots, juste pour se confronter aux idées.
Et les moines (ré)inventèrent la bibliothèque (...)