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Greek Crisis
À quoi rêvent les grecs ?
Article mis en ligne le 27 février 2014

Panagiotis Grigoriou écrivait sur son blog (novembre 2012) que “de nombreux citoyens des pays dits centraux (France, Belgique...), n’ont sans doute pas réalisé qu’ils traversent pour l’instant leur 1938 (et ses illusions), tandis que nous (grecs), et peut-être bien les Espagnols, les Italiens ou les Portugais, nous subissons l’hiver déjà terrible de 1942”.

(...) Au départ, Freud théorisa le rêve comme tentative de réalisation d’un désir. La guerre 1914-18, ses névrose traumatiques, ses cauchemars à répétition l’amena à compléter sa théorie dans le sens de tentatives du rêveur de retourner infiniment à la situation traumatique pour tenter de la maîtriser.

Cette compulsion de répétition s’entend aussi, par exemple ici : Je rêve que je m’installe solennellement à mon bureau après m’être enfin décidé à porter plainte contre la situation actuelle. Je glisse une feuille blanche, sans un mot dessus, dans une enveloppe et je suis fier d’avoir porté plainte, et en même temps j’ai vraiment honte. Une autre fois j’appelle la préfecture de police pour porter plainte et je ne dis pas un mot (p.94). (...)

Les tentatives d’adaptation à la folie du III Reich, plutôt que d’évoquer la réalisation d’un désir, fait penser à la situation de l’enfant abusé qui s’identifie à l’agresseur et qui incorpore non seulement ses actes mais aussi sa culpabilité.

Alors, le livre de Charlotte Beradt apporte encore un nouvel éclairage : “Dans la préoccupation vitale dont ils témoignent de devoir survivre psychiquement à l’empiétement mortifère de l’environnement (... ils permettent notamment) de reconsidérer la notion clé de traumatisme, et de l’élargir jusqu’à la prise en compte de formes plus insidieuses, quotidiennes et redoutablement efficaces sous le masque de la banalité” (François Gantheret, Postface p. 236). Seul le rêveur peut parler de son rêve, peut l’interpréter. (...)

Je garde donc le rêve de mon patient dans un petit coin de ma mémoire, d’où il sera éventuellement tiré par une autre évocation. Mais quand je quitte mon cabinet, vois les cars de police qui protègent les sommets européens et les graffitis en contrepoint, je ne puis, par les temps qui courent, m’empêcher de me demander à quoi ressembleraient les rêves que pourrait recueillir aujourd’hui, Charlotte Beradt, en Grèce... en Europe.

Vincent Magos (Bruxelles, 25 novembre 2012 republication)