
La xénophobie va bon train en France, faite de petites phrases antimigrants et de grands discours sur le déclin. Loin de ce sordide concours médiatisé, des dizaines de milliers de personnes font acte de solidarité concrète vis-à-vis des réfugiés et des exilés, quelles que soient leurs origines et les raisons de leur arrivée ou de leur passage en France. Une solidarité qui s’exprime aussi bien par l’implication dans les grandes associations d’entraide, des actions locales bénévoles ou des engagements individuels spontanés. Et ne se contente pas d’une indignation de pure forme. Panorama de cette France altruiste.
(...) Des livres et des films pour comprendre et mieux agir
Il n’est pas nécessaire d’être un professionnel diplômé pour s’investir dans une cause, mais se documenter et écouter celles et ceux qui ont une longue expertise n’est jamais inutile. Bien des dossiers médiatisés aujourd’hui ont une longue histoire.
Sur Calais, par exemple, on pourra lire les deux livres de Marion Osmont et Haydée Sabéran, parus en 2012, et suivre l’actualité sur le blog Passeurs d’hospitalités de Philippe Wannesson.
Concernant la situation en Syrie ou en Irak, et, de manière générale, au Proche et au Moyen-Orient, d’où viennent une bonne part des réfugiés, le site Orient XXI apporte parmi d’autres des analyses fouillées et accessibles.
Sur l’Érythrée, le livre de Léonard Vincent, lui aussi de 2012, demeure la meilleure entrée pour comprendre le totalitarisme à l’œuvre dans ce petit pays de la Corne de l’Afrique, et les raisons qui poussent des individus au départ. (...)
Nombre de documentaires et de fictions sont sortis cette année, à la télévision ou en salles, qui donnent la parole aux intéressés. Sur les horreurs rencontrées par les Érythréens au cours de leur périple, on peut voir par exemple La torture au bout du fil et Voyage en Barbarie, tous deux de 2014.
Sur les migrants d’Afrique de l’Ouest et sur la question des disparus, le documentaire de Lætitia Turat et d’Hélène Crouzillat, Les Messagers, fruit de quatre années de travail, est en tout point remarquable. Début septembre, le film d’un jeune réalisateur italien, inspiré de faits réels, est sorti dans 29 salles en France – signe que le sujet touche un public plus large. Il s’intitule Mediterranea et relate une partie du voyage et les désillusions d’un migrant burkinabé, de la Libye à l’Italie du Sud.
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On notera que ce sont souvent les villes, les quartiers et les départements les plus pauvres qui se montrent les plus accueillants et doivent donc faire face aux plus gros besoins. Les associations qui s’y créent font souvent des miracles avec de faibles moyens.
Agir par soi-même, c’est possible
En dehors de toutes ces structures, il est bien sûr possible d’agir par soi-même en fonction des besoins et de ses compétences. Entre 2008 et 2009, Laura Genz a dessiné le quotidien du Collectif des sans-papiers de Paris, puis a réalisé des cartes postales qui ont permis de collecter l’équivalent de 33 tonnes de riz. Elle a repris la même activité avec le Comité des migrants de la Chapelle en lutte, mobilisé depuis juin 2015 auprès des migrants récemment arrivés à Paris.
Au printemps 2015, à Paris, Tatiana et Stéphanie ont mis en place un projet de cours de français pour les migrants rassemblés sous le pont de la Chapelle. Malgré le démantèlement du camp, elles poursuivent leur projet et ne manquent jamais d’élèves. (...)
À Calais, l’entraide est malheureusement bien moins médiatisée que l’agitation du groupuscule antimigrants. Rappelons pourtant que quelque 200 volontaires viennent prêter main-forte pour les tournées de douches organisées par le camion du Secours catholique.
En une après-midi de février, sur le camp de Tioxide, aujourd’hui démantelé, nous avions rencontré avec la photographe Géraldine Aresteanu, toutes sortes de bénévoles. Dominique et Nadine – « Domdom et Nana » –, lui, ingénieur en retraite, elle, artiste-peintre, faisaient une tournée quotidienne dans les jungles avec deux générateurs pour recharger les portables et un routeur pour un accès de quelques heures au wifi.
Une jeune diplômée belge, en attendant de prendre un poste au Brésil, était venue apporter des vêtements aux réfugiés afghans, dormait sous la tente avec eux depuis quelques jours, faisait le taxi pour qui devait se rendre dans le centre. Une jeune professeure de français, mère de deux enfants en bas âge, venait donner des cours une fois par semaine, le samedi matin. Leur histoire, au fond, était très semblable. Les uns et les autres étaient venus un jour pour voir ce qui se passait sur le camp, parfois après de longues années passées dans la même ville sans jamais s’y arrêter. Depuis, ils n’ont pas cessé d’y revenir.
Accueillir à domicile : Comme à la maison et Welcome en France
Depuis la suppression du « délit de solidarité » en janvier 2013, lequel pénalisait « l’aide au séjour irrégulier », rien n’interdit d’héberger une personne sans-papiers du moment qu’elle ne fait pas l’objet d’une procédure d’expulsion. Certains dispositifs proposent un encadrement pour un accueil de courte durée.
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Le statut de réfugié, surtout s’il est obtenu après un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile, ne signifie nullement qu’une personne se retrouvera du jour au lendemain dans une situation matérielle stable. Dans un tel contexte, si la solidarité des individus peut avoir comme effet pervers d’encourager les pouvoirs publics à se désengager davantage, on devrait surtout s’indigner d’avoir vu perdurer, pendant près de un an – dans l’indifférence de tous et malgré les dénonciations répétées de quelques associations, comme France terre d’asile, justement – l’installation d’un amas de tentes, sans toilettes ni point d’eau, en plein cœur de Paris, sous le pont du métro la Chapelle. Si accueillir chez soi n’est pas la meilleure solution, ne pas réagir renvoie in fine solidarité et charité dos à dos, nous laissant à notre honte.