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Reporterre
A Tricastin, la concentration nucléaire ne résoud pas les problèmes d’emploi
Reportage, Saint-Paul-Trois-Chateaux (Drôme)
Article mis en ligne le 16 décembre 2013
dernière modification le 13 décembre 2013

Les communes du Tricastin sont riches des recettes fiscales du centre nucléaire, mais le chômage des jeunes y reste important. Et dans la centrale, l’emploi est surtout occupé par des travailleurs précaires et mal formés. Du malaise humain à la sécurité défaillante, il n’y a qu’un pas.

« L’avantage économique, c’est surtout nous qui le ressentons en tant que commerçant. Mais de là à dire que cela a résolu le chômage… Ici, les gens enchaînent pas mal de contrats d’intérim, la situation reste assez précaire. C’est vrai que le nucléaire représente un pôle d’activité dans la région, et beaucoup bossent de près ou de loin grâce à ce secteur industriel, mais cela n’augmente pas pour autant la qualité de la vie… ». Entre le plat et le dessert, le chef vient tailler la bavette. Normand d’origine, l’homme est arrivé du Vercors voisin il y a quelques années, « pour changer d’air ». Du pays, il en a vu dans sa carrière mais sa dernière terre d’accueil lui plaît : pour lui, les restaurateurs et les hôteliers s‘en sortent bien, dans la région. En ce jeudi soir venteux de novembre, il n’y a pourtant guère d’autres clients pour déguster les bonnes ravioles du Dauphiné, un plat typique du coin.

Pour les collectivités locales, qui perçoivent les impôts d’EDF et AREVA, en tout cas, le nucléaire est une bonne affaire. (...)

« On observe une multiplication des niveaux de sous-traitance ; alors qu’EDF interdit d’en dépasser trois, nous avons parfois identifiés sept niveaux de délégation sur la centrale » explique Gilles Reynaud, qui a fondé une association – Ma zone contrôlée – pour travailler auprès des syndicats sur cette question.

Il y a deux ans, Annie Thébaud-Mony et d’autres alertaient sur ce recours massif à la sous-traitance : « L’externalisation du travail et le recours à la sous-traitance sont massifs à EDF. Dans les centrales nucléaires par exemple, les arrêts de tranche, période essentielle de maintenance, sont marqués par l’arrivée d’une multitude d’entreprises sous-traitantes, elles-mêmes constituées de salariés précarisés et tournants. Le rôle des agents se réduit souvent à la surveillance et au contrôle des prestataires en charge des opérations. La compétence technique échappe douloureusement à ces professionnels, tandis que l’expérience des travailleurs sous-traitants se disperse au fil des déplacements entre les centrales ». (...)


Les conséquences sont d’ailleurs manifestes en termes de sécurité
 : « 80 % des écarts sur les non-qualités sont de facteurs humains » nous rappelle Charles Rumeau, président de l’association Ma zone contrôlée. En mars, Bernard Laponche et Guillaume Blavette dénonçaient sur Reporterre cette recherche de productivité permanente qui se cache derrière les erreurs humaines recensés sur les centrales. La volonté de contracter toujours plus la force humaine et les compétences déployées dans le but de faire des économies est aujourd’hui au cœur de la logique d’emploi dans le nucléaire.

Et si le nucléaire attire aujourd’hui une certaine catégorie de population formée et hautemet qualifiée, pour les autres – qu’on appelle parfois « les mercenaires du nucléaire » – la filière n’offre pas la qualité de vie escomptée : « Les sous-traitants, qui n’ont pas d’existence légale, sont toujours les principaux responsables lors d’incidents ou d’accidents, ils sont d’office désignés volontaires lors des catastrophes. (...)

Sous-traitance, malaise psychologique, formation insuffisante : n’y aurait-il pas là une part de la recette qui explique les mille incidents connus par la centrale de Tricastin ?

Sur ces questions comme sur d’autres, EDF a refusé de répondre à nos demandes répétées d’entretien.