Sur les bords de Vienne, les arbres ont été massivement coupés à la fin du mois d’août pour laisser place à un champ de bataille. Alors que le fonctionnement des arbres et leur rôle dans nos vies sont de mieux en mieux compris, certains préfèrent continuer l’absurdité généralisée qu’est la gestion des arbres en Limousin.
Panazol, morne berge
Souches coupées au ras du sol, taillis et branches arrachées laissés sur place, tas de fûts prêts à être expédiés, ornières profondes... Ce spectacle n’est pas inconnu pour qui parcourt la région : on peut voir le même dans la montagne limousine et les monts de Blond et d’Ambazac, entre autres. A quelques kilomètres de Limoges, le long de la Vienne, c’est plus surprenant, mais pas impossible comme le montre le résultat de l’intervention de la fin août à Panazol. L’accès à la zone déboisée annonce la couleur : des barrières servant à interdire l’accès comportent un panneau aux couleurs de la municipalité de Panazol reprenant un texte de justifications préalable au spectacle qui va s’offrir à nous. Certaines portions du chantier ressemblent à des coupes rases, avec cependant quelques arbres conservés, parfois des arbres seuls isolés des autres par plusieurs dizaines de mètres. Rappelons que la coupe rase est une pratique très controversée en foresterie, a fortiori en bords de rivière. (...)
La problématique des arbres isolés qui, fragilisés, risquent à terme de dépérir et de tomber, est pourtant l’un des grands thèmes du best-seller de Peter Wohlleben, La vie secrète des arbres, mais apparemment tout le monde ne l’a pas encore lu. Tout le paradoxe tient en ce que la décision d’effectuer la coupe a été prise notamment pour réduire ce risque de chute d’arbres ! (...)
Une voie verte, large, bétonnée et en pointillés
Ces arguments liés à la sécurité sont contradictoires et légers par rapport à la lourdeur du bilan écologique. C’est alors que la lumière se fait avec une deuxième justification : la future voie verte qui reliera Limoges à Vassivière. Ou plus sagement Limoges à Saint-Léonard de Noblat. Ou plus probablement Limoges au Palais-sur-Vienne... C’est qu’il faut rester raisonnable face à ce projet aussi souvent évoqué que reporté : l’association Véli-vélo date son premier tracé à 1998, avec une révision en 2005. D’ailleurs, faut-il vraiment pleurer cette future voie verte, vu l’empressement de l’agglomération à bétonner les itinéraires piétonniers et cyclistes ? Il n’y a qu’à voir les chemins des parcs de la ville de Limoges : du béton, pour ne pas crotter les souliers du dimanche des promeneurs. De plus le texte de la ville de Panazol suggère d’élargir le sentier existant pour constituer la véritable voie verte, démontrant ainsi une conception très autoroutière de l’objet, comme le souligne le passant qui a annoté les panneaux municipaux...
Un sous-traitant connu pour sa poésie forestière
Un tel chantier n’aurait pas pu être mené sans une intervention extérieure : il paraît déjà difficile de dégager le chemin des quelques arbres qui y tombent, alors une telle coupe n’en parlons pas. C’est le mot clé "autofinancement", aujourd’hui indispensable en novlangue politique, qui est sorti du chapeau pour justifier l’appel à une société forestière extérieure. En effet, grâce à elle, il est possible de mécaniser le chantier, grâce à une abatteuse, et donc de faire rentrer les coûts dans la valorisation, c’est-à-dire la vente du bois. L’intervention d’une abatteuse, annonce toujours l’arrivée de la poésie dans le chantier forestier et c’est un habitué des chantiers bucoliques, International Paper, qui a remporté le pompon de l’appel d’offre, si appel d’offre il y a eu, aucun document n’en faisant état. (...)
Couper des arbres puis en replanter : une passion contemporaine
Le chantier de Panazol peut paraître anecdotique, mais on assiste à la répétition de massacres similaires, en Limousin notamment mais pas seulement. On peut citer celui qui a été organisé par le conseil départemental de Corrèze fin 2017 et a fait monter une belle contestation chez les habitants du département, y compris des élagueurs. (...)
Les arbres une fois coupés laissent voir la dérive de la pseudo-démocratie : à Panazol, le dernier conseil municipal s’est tenu début juin, la décision a été prise fin juin et n’a apparemment donné lieu à aucune consultation, ni des commissions, ni de la population. Mais, comme l’a dit récemment un adjoint au maire de Panazol [2] :
On ne peut pas réunir les commissions à chaque fois qu’il y a une décision à prendre.”
Déjà que les commissions ne servent à rien, si en plus il faut les consulter...