
Ce week-end à Notre-Dame-des-Landes, la présence militaire s’est faite discrète. Profitant de ce répit, le quotidien de la Zad a repris, entre chantiers collectifs et assemblées. Pourtant, toutes et tous se préparent à une nouvelle intervention (...)
« Si on arrête nos activités quotidiennes, l’État aura gagné, sans même nous expulser. On a repris des chantiers, là on débarde du bois pour le chauffage et le four à pain. Ça montre qu’on se projette encore ici, qu’on sera encore là l’hiver prochain », explique-t-il.
Autre activité, à La Grée, on s’affaire à construire des dortoirs pour loger les habitants dont les cabanes ont été détruites, ainsi que pour les militants venus en soutien. (...)
Certains militants profitent simplement du week-end pour faire une petite visite. Comme Pico, venu de Maine-et-Loire avec ses amis : « On vient en soutien, pour dire non aux violences policières, et non à l’État, mais aussi pour pouvoir expliquer ce qu’il se passe ici à ceux qui n’y sont pas. Beaucoup de gens nous remercient de leur donner des informations sur la vie alternative qui se développe ici. » (...)
Pourtant, les souvenirs des affrontements avec les gendarmes mobiles sont toujours là. « J’ai eu besoin de faire une pause car j’étais à bout. On reçoit beaucoup de violence ici, mais je ne me rendais pas compte de ce que je vivais. Je suis allée chez une amie, pour me reposer, et j’ai fait des cauchemars : j’entendais des explosions la nuit, l’hélicoptère, j’étais encore sous le choc. »
Gérard, médecin et habitant des Fosses noires, confirme : « Les gendarmes étant moins présents, tout le monde se relâche vraiment maintenant. Et c’est la qu’on voit ressortir des chocs non immédiats. Des gens qui craquent et pleurent sans raison, ont besoin qu’on s’occupe d’eux. On a besoin de se retrouver pour parler, de renouer avec les relations sociales toutes simples sans penser barricade et protection. » « Ceux qui ont vécu Sivens sont en angoisse complète, ils ont peur que la prochaine répression soit plus forte encore », renchérit sa voisine.
La violence des affrontements, qui ont fait plus de 270 blessés, est dans toutes les têtes. « Forcément, on a tous peur qu’il y ait un mort, avoue un Camille constructeur. Il a failli y en avoir un à Tolbiac : ici ou ailleurs, la répression d’État a toujours lieu. » (...)
Les moments de lutte ont renforcé beaucoup de liens. « On a vu au front des gens qui n’avaient jamais fait ça, comme des comédiens ou des dessinateurs, mais qui étaient poussés par une sorte de conviction populaire », analyse Julien, à l’Ambazada. Mais maintenant, les nouveaux venus commencent à prendre du recul. Les assemblées générales se multiplient, sur chaque lieu de vie et pour l’ensemble du mouvement d’occupation.
La nouvelle phase de négociations avec la préfecture, autour des fameux formulaires individuels, est loin de faire l’unanimité. Cette question anime en tout cas beaucoup de conversations. Certains ont peur que ces négociations n’affaiblissent le mouvement. D’autres craignent une normalisation de la Zad, haut lieu de la revendication de valeurs et de pratiques de solidarité et d’auto-organisation. Et d’autres encore ne comprennent pas trop ce qui se joue en ce moment, et avouent ne plus trop savoir pourquoi ils sont là.
« De loin, plein de gens ont un fantasme idéologique sur la Zad. Mais quand on s’approche, on voit que c’est plus compliqué que ça : toutes les luttes ont des tensions, des débats, de l’hétérogénéité », affirme Camille, du groupe presse. (...)
Ce lundi, les négociations avec la préfecture doivent se poursuivre. Pendant ce temps, les habitants sont toujours dans l’expectative quant à la possibilité d’une nouvelle intervention militaire dans la semaine. « A chaque fois qu’on a eu de l’espoir, ils nous l’ont fait à l’envers deux jours après », rappelle le Camille de Bellevue, exprimant une absence totale de confiance très partagée. Mais tous se disent déterminés à tenir bon : « Quand bien même ils reviendraient, nous serons toujours là ».