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Mediapart/ Mickaël Correia
À La Clusaz, le tout-ski à tout prix
#eau #secheresse #ski
Article mis en ligne le 9 juin 2023

Mickaël Correia @mickacorreia chez bird.makeup

Hier (7 juin) sur @qofficiel, Yann Barthès a repris 3 fois @lenalazare (@lessoulevements) pour asséner que l’eau de la nouvelle retenue de La Clusaz n’est pas pompée et donc n’est pas une bassine.

❌C’est faux, comme écrit ici dans mon article sur @mediapart.

https://www.mediapart.fr/journal/france/190222/la-clusaz-le-tout-ski-tout-prix
À La Clusaz, le tout-ski à tout prix
Mediapart

(19 février 2022)
En Haute-Savoie, le domaine skiable de La Clusaz se réduit à cause du réchauffement climatique. En réponse, la municipalité veut construire une importante retenue d’eau pour produire davantage de neige artificielle. Des opposants dénoncent un projet écocidaire et une « fuite en avant » de l’industrie du tout-ski, au détriment de la nécessaire transition écologique des stations de sports d’hiver.

(...) Huit hectares de forêt, soit l’équivalent de 11 terrains de football, doivent être défrichés, puis un bassin de 148 000 m3 d’eau – le volume d’une quarantaine de piscines olympiques – sera creusé à 1 500 mètres d’altitude.

« La localisation du projet est catastrophique. Le plateau de Beauregard est une zone très riche en biodiversité. La retenue est située à proximité directe d’un site classé zone Natura 2000 et d’une tourbière faisant l’objet d’un arrêté de protection de biotope », explique Corentin Mele, chargé de mission à France Nature Environnement (FNE) de Haute-Savoie.

La tourbière de Beauregard accueille pour exemple l’Azuré de la sanguisorbe, une espèce de papillon remarquable dont la protection est considérée comme un enjeu européen en matière de conservation.

Mi-novembre 2021, des militant·es d’Extinction Rebellion ont occupé durant deux semaines le bois de la Colombière pour dénoncer la dimension écocide de ce projet. Avec des habitant·es de La Clusaz, les activistes écologistes ont également voulu mettre en lumière le faux argument de l’eau potable mis en avant par la municipalité pour justifier la future retenue collinaire. (...)

Valérie Paumier, de l’association locale Résilience Montagne, rappelle à Mediapart : « Le besoin en eau potable n’est qu’un alibi puisque seulement un tiers de la retenue sera utilisé à cet escient. Les deux tiers de la réserve d’eau seront destinés à la neige artificielle. Pis, pour alimenter ce bassin, une source située à proximité du village sera siphonnée, puis l’eau sera remontée jusque dans les hauteurs pour les canons à neige ! »

L’opposante est membre de Sauvons Beauregard, un collectif qui regroupe les différentes organisations contre le projet, à l’instar de La Nouvelle Montagne, qui travaille à la transition des territoires montagnards.

« La mairie argue que suite à une sécheresse exceptionnelle qui a eu lieu dans la région en 2018, il faut construire une nouvelle retenue pour pallier le manque d’eau, indique Jacques Millouet, président de cette association. Or, il existe une nappe phréatique importante d’au moins un million de m³ d’eau annuels sous la commune. Cette ressource a été identifiée en 2007 par le syndicat intercommunal des eaux et inscrit dans le schéma directeur local en 2011. » (...)

Et Corentin Mele, de FNE Haute-Savoie, d’abonder : « Détruire des zones humides pour créer de la ressource en eau, c’est à la fois absurde et dans une logique contraire d’adaptation aux conséquences des dérèglements climatiques. »

Le maire Didier Thévenet et Simon Gunzburger, directeur général adjoint de la municipalité, ont été sollicités par Mediapart. En réponse, un mail de la part des services municipaux nous a été envoyé, reprenant les informations sur le projet (voir onglet Prolonger). Le courrier précise : « Nous ne disposons pas d’autres ressources [en eau potable] en quantité et qualité suffisantes. » Ou encore : « Le projet ne détruira pas la tourbière, nos alpages ou le plateau de Beauregard, au vu de l’emplacement exact du site. »
Fuite en avant

Le 16 septembre 2021, Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, est venu annoncer en Haute-Savoie, au Grand-Bornand, son nouveau Plan Montagne II. L’élu Les Républicains a déclaré : « Ce plan est un plan pour le ski, c’est un plan pour la neige, c’est un plan pour le tourisme d’hiver. Et tant que je serai président de notre région, et tant qu’on sera tous ensemble, ça ne sera jamais un gros mot, le ski est une fierté. »

Concrètement, la région a débloqué 30 millions d’euros visant à aider une centaine de stations de ski dans leurs projets de « sécurisation de l’enneigement ». (...)

D’après FNE Haute-Savoie, 20 à 25 millions de m³ d’eau sont actuellement utilisés chaque année pour produire de la neige artificielle dans les Alpes françaises, soit la consommation en eau d’une ville comme Grenoble. Quant au projet de retenue collinaire sur le plateau de Beauregard, son coût est estimé à 10 millions d’euros. (...)

Dès 2018, la Cour des comptes a alerté les stations de ski des Alpes du Nord, les appelant à développer un « nouveau modèle » face aux dérèglements climatiques. La juridiction incite « à faire évoluer rapidement la gouvernance et le fonctionnement des domaines skiables pour s’adapter suffisamment tôt à un futur où le ski et les sports de neige ne seront plus leur unique ressource ».

La Dreal de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) a quant à elle averti dans une note de 2019 : « La neige de culture ne peut en aucun cas constituer une solution durable d’adaptation de l’activité des domaines skiables au changement climatique. »

Enfin, les scientifiques estiment que les trois quarts des 300 stations de ski existant en France fermeront d’ici à la fin du siècle
Transition écologique vs. spéculation immobilière

Pour les opposant·es au projet de la retenue collinaire de La Clusaz, la diminution progressive de l’enneigement naturel pourrait permettre de poursuivre en parallèle une réduction du « tout-ski » pour le remplacer par des activités alternatives. (...)

« Ils s’en sont mis plein les fouilles pendant des décennies grâce à l’immobilier. La Clusaz, c’est 82 % de résidences secondaires. Le prix du logement a explosé de 10 à 14 000 euros le mètre-carré, résume Valérie Paumier. Avec ces prix équivalents à ceux de Paris, les promoteurs sont obligés de vendre du ski aux clients. En somme, on crée une retenue qui coûte 10 millions d’euros d’argent public pour que les promoteurs immobiliers puissent continuer leur business. »

La déclaration d’utilité publique (DUP) du projet de retenue collinaire doit être prononcée au plus tôt en septembre prochain. En effet, le chantier ne peut pas encore débuter en raison de la période d’hibernation puis de reproduction des espèces du plateau de Beauregard. De leur côté, les opposant·es assurent déjà être « dans les starting-blocks » pour lancer un recours devant la justice.

Lire aussi :

 (Le Monde 25 octobre 2022)
La Clusaz : première victoire des opposants à une retenue d’eau destinée à produire de la neige artificielle

Le tribunal administratif de Grenoble a suspendu l’arrêté du préfet de Haute-Savoie validant la réalisation d’une cinquième retenue collinaire à La Clusaz. Le maire de la commune annonce vouloir se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. (...)

Le campement de la ZAD dans les bois de la Colombière, sur la commune de la Clusaz, le 18 octobre 2022.